Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/23

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Le Maître d’école. — Dieu ! pourquoi soupires-tu ?

Mouroc. — Malheur ! malheur ! j’ai peur de tomber sous la table !

Le Maître d’école. — Alors, il n’y a rien à te conseiller que de monter dessus.

(Mouroc monte sur la table, pour ne pas tomber, et tombe dessous.)

Le Maître d’école, (pousse un grand cri et se frappe les mains au-dessus de sa tête). — Ô Destin, Destin, inflexible Destin ! Aucune prudence humaine n’a pu te prévenir, aucun mortel t échapper ! En vain, Mouroc monte sur la table, il doit cependant tomber dessous ! Ô monstre farouche, plus dur que le marbre !

(Il grince des dents.)

Mouroc. — Personne ne m’aide-t-il à me relever ? Maître d’école, Liddy, où êtes-vous tous deux ?

Le Maître d’école. - « Zaïre, vous pleurez ? » Cela me chagrine, ma parole, cela me chagrine ! « Venez, ma chère ! » Il fait noir dehors comme un corbeau de poix ! Nous allons entrer dans l’église et jouer de l’orgue !

(Il prend Mouroc sous le bras, et, titubant, sort avec lui.)
(Acte III, sc. I.)
La maisonnette de Schallbrunn.

Mort-aux-Rats, (à la fenêtre). — Mais qui vient là-bas, avec une lanterne, par la forêt ? Il semble qu’il se dirige par ici !

Le Maître d’école, (aussi à la fenêtre). — Le diable l’emporte ! Le drôle nous arrive si tard dans la nuit, pour nous aider à avaler le punch ! C’est le maudit Grabbe, ou, comme on devrait proprement le nommer, le minuscule Crabe, l’auteur de cette pièce ! Il est bête comme un sabot de vache, bave sur tous les écrivains et n’est bon lui-même à rien, a une jambe de travers, des yeux louches et une insipide face de singe ! Fermez-lui la porte au nez, monsieur le baron, fermez-lui la porte !

Grabbe, (dehors, derrière la porte). — Ô maudit Maître d’école ! Immesurable sac à mensonges !

Le Maître d’école. — Fermez-lui la porte, monsieur le baron, fermez-lui la porte au nez !

Liddy. — Maître d’école, Maître d’école, comme vous êtes amer à l’égard d’un homme, qui vous a inventé ! (On frappe.) Entrez !

(Grabbe entre avec une lanterne allumée.)
(Scène dernière.)
Chr. Dietrich Grabbe

(Traduit par Alfred Jarry.)