Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


RETOUR


Ils sont partis pour un long voyage
Bravant le vent et les naufrages
Toute privation leur semblait légère
N’allaient-ils pas au pays des chimères ?

Les désirs gonflaient leurs grandes voiles,
L’ambition était pour eux l’étoile,
L’espérance, oh, fuyante maîtresse,
Les conduisait sur la mer traîtresse.

Ils ont couru de longues années,
Ils ont fait maintes dures traversées
Et toujours devant eux fuient deux lueurs,
Ces deux fantômes nommés gloire et bonheur.

Ils sont revenus la tête baissée,
Ils revoient la patrie qu’ils ont laissée
Et demandent au premier promeneur :
Seraient-ils donc ici, gloire et bonheur ?

Le promeneur les regarde tristement :
Hélas ! voyageurs, voilà bien longtemps
Que toute gloire chez nous a disparu
Et le bonheur est où l’on ne désire plus.




REPOS


Ne jetez pas de pierre dans l’eau dormante
Pour troubler sa torpeur.
Ne brisez pas cette fleur tremblante
Pour respirer sa senteur.

N’effleurez pas l’aile du papillon,
Il perdrait ses couleurs.
Ne touchez pas au cristal du glaçon.
Il disparaît à la chaleur.

Ne chassez pas les images de mon rêve
Pour moi plein de douceur :
Pour quiconque a marché sans trêve
Le repos s’appelle bonheur.




DÉSENCHANTEMENT


J’ai perdu mon bonheur si fragile,
Brisé par ce qui fut ma divinité,
Les débris montrèrent que d’argile
Était ce que j’ai tant adoré.