Page:La Revue blanche, t22, 1900.djvu/439

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LXXIII

Qui a le courage ose tuer.
Qui n’a pas le courage ose laisser vivre.
Les deux sont peut-être parfois utiles, parfois nuisibles,
Mais qui sait le jugement du Ciel ?
C’est pourquoi le Parfait prend cette question très au sérieux.
La Voie du Ciel est celle-ci :
Vaincre sans lutter,
Être obéi sans commander,
Attirer sans appeler,
Agir sans faire :
Le filet céleste a les mailles larges,
Mais nul ne passe à travers.

LXXIV

Si le peuple ne craint plus la mort,
Comment le diriger par la crainte de la mort ?
Si le peuple craint toujours la mort,
On peut avec utilité condamner à mort :
Qui alors oserait ?
Il existe un arbitre de vie et de mort.
Mais celui qui à sa place veut être arbitre de vie et de mort,
Est comme qui à la place d’un charpentier porte cognée à l’arbre :
Il se blessera facilement la main…

LXXV

Le peuple souffre parce que les grands ont l’abondance :
Voilà pour la souffrance du peuple.
Le peuple s’agite parce que les grands se démènent :
Voilà pour l’agitation du peuple.
Le peuple méprise la mort, parce qu’il est esclave de la vie,
Voilà pour le mépris de la mort.
Celui qui n’est pas esclave de la vie est plus moral
Que celui qui la vénère.

LXXVI

L’homme naît faible et délicat,
meurt fort et dur ;
La plante naît délicate et flexible,
meurt inflexible et dure.
Conformément à ceci
Fort et dur sont attributs de la mort,
Faible et flexible sont attributs de la vie.
Ainsi
Force armée ne signifie point victoire,