Page:La Revue blanche, t22, 1900.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
la revue blanche

Le carcan. — En 1895, l’Intransigeant signalait un disciplinaire qui fut mis en cellule « le cou fixé au lit de camp, qui est en briques, au moyen du carcan » ; le même journal nous renseigne sur la façon de manger qui est imposée au puni de fers. « Comme on n’est pas détaché pour manger, on lape sa soupe comme un chien. »

Assassinat de Cheymol. — L’assassinat commis, le 10 mars 1898, sur la personne du disciplinaire Cheymol, a fait assez de bruit et est suffisamment connu pour que nous croyions pouvoir en passer sous silence les détails.

Résultats d’une réclamation. — À la troisième compagnie, en 1897, le sergent Ricardy distribuait du pain aux bagneux.

Le partage ayant été fait inégalement, un disciplinaire, qui était aux fers, réclama ironiquement une balance et des poids pour peser son quart de pain. Le chaouch s’élança alors sur l’homme, qui était étendu par terre, les mains et les pieds entravés, le piétina, lui dansa sur le ventre, lui laboura les côtes à coups de talon.

« Ah vache !… » s’écria alors le malheureux ainsi maltraité.

Le sergent alla immédiatement déposer sa plainte. Après qu’il eût passé des semaines en prévention de conseil de guerre, les traces non équivoques des sévices exercés sur lui valurent au disciplinaire une ordonnance de non-lieu.

Il en fut quitte pour plusieurs semaines de lit.

Assassinat de Demange. — L’assassinat de Demange eut lieu sans bruit, sans lutte : ce fut un de ces crimes où la victime semble être son propre meurtrier. J’en fus le témoin, lorsque j’étais disciplinaire à la 1re  compagnie de discipline.

Il y avait déjà quatre mois que nous errions, sac au dos, d’un chantier à l’autre, par le sable, la brousse, les sebkhras, manquant de vivres souvent, maltraités toujours, travaillant comme des forçats. Nous avions déjà fait près de 400 kilom., et il nous fallait encore en faire plus de 300 pour retourner à Gafsa. Demange était atteint d’une bronchite chronique et, à coucher constamment sur la terre, ressentait des douleurs rhumatismales qui l’empêchaient de marcher à l’allure accélérée en usage aux compagnies de discipline. Il boitait, et souvent les douleurs étaient si vives qu’il s’arrêtait, n’en pouvant plus. Son état empirant, il se fit porter malade. Le lieutenant Challaux, qui commandait les détachements de Zarzis et de Médenine le visita. Le lendemain, au rapport, on lut : « Le fusilier Demange, prétendant avoir des douleurs, s’est fait porter malade, dans l’intention bien évidente de se soustraire au travail, il sera mis huit jours à la diète, par ordre du lieutenant faisant les fonctions de major ». Huit jours à la diète, c’était huit jours sous le tombeau, avec une demi-gamelle de bouillon (et quel bouillon !) par jour, sans pain. Après deux jours de régime, Demange, jugeant qu’il n’avait pas le droit