Page:La Revue blanche, t23, 1900.djvu/371

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deux côtés, le papier puisse s’y affaisser. De la sorte, le cerf-volant prendrait et retiendrait le vent et, en même temps, il ne serait que plus solide. Un cerf-volant construit sur ce plan n’a pas besoin de queue.

Pour faire voler un cerf-volant de ce genre, il faut avoir une corde très forte et, souvent, deux ou trois hommes ne sont pas de trop pour le retenir. Quand il monte dans les nuages et que l’enthousiasme de celui qui le fait voler est à son point culminant, il passe un papillon de papier autour de la corde et le vent l’emporte jusqu’au cerf-volant avec un son sifflant. Mais, quand le papillon touche le cerf-volant, ses ailes adhèrent l’une à l’autre, et, par la force même de son poids, il redescend comme s’il apportait un message du ciel. Aussi, est-ce avec une sorte d’attente anxieuse qu’on le voit approcher gracieusement.

Le neuvième jour de la neuvième lune, qui correspond à octobre, est la fête des cerfs-volants. Ce jour-là, la mode est d’aller sur les hautes collines et, là, d’entrer en communion avec les zéphirs célestes. Une telle scène est poétique. Hommes et enfants, de tous rangs, de toute taille et de tout âge, des cordes à la main, lancent, tiraillent, secouent ou lâchent toutes sortes d’agiles monstres de papier de riz dans le ciel bleu.

L’amusement consiste à faire combattre les cerfs-volants, à les faire s’entrechoquer et à couper les cordes des partenaires par de brusques secousses.

C’est toute une histoire que l’origine de la fête des cerfs-volants. Jadis, dans l’histoire du monde, quand le temps n’était qu’un bébé, un homme qui travaillait aux champs fut interpellé par un étranger. Ce passant lui dit d’un ton altier qu’un terrible fléau visiterait sa maison le neuvième jour du neuvième mois et que le seul moyen de s’y dérober était de s’enfuir sur une haute colline qui était dans le voisinage. Après lui avoir donné cet avertissement, l’étranger disparut mystérieusement. Le paysan qui était un bon homme revint chez lui, et, réunissant toute sa famille, l’emmena aussitôt sur la colline qui lui avait été désignée et y demeura toute la journée fatale. Sans doute pour passer le temps, ses enfants lancèrent leurs cerfs-volants. De là, vint la coutume.

Après le coucher du soleil, nos gens rentrèrent chez eux et y trouvèrent morts leurs chèvres, leurs poulets et leurs dindons. Cela prouvait bien qu’ils avaient été sauvés par l’intervention de quelque divinité.

Ce pourquoi, les Chinois ont fait de ce jour une fête nationale[1].

Le jeu de volant est aussi un des amusements favoris des enfants

  1. Selon une autre tradition rapportée par des auteurs chinois, le cerf-volant fut inventé par le célèbre général Han-Sin, vers l’an 206 avant notre ère. Ce général avait parié qu’il entrerait dans une ville assiégée, par le centre même. Il voulait creuser un souterrain jusqu’au palais du gouverneur. Pour calculer la distance qui l’en séparait, il fit construire un cerf-volant qu’il lança en tenant compte de la longueur de la corde et de sa courbe.