Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/25

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On a cru longtemps en Europe que le mouvement de l’âme chinoise était simplement circulaire, c’est-à-dire sans résultat ; — en d’autres termes, que la nation chinoise était morte au point de vue de l’action. À cette vitalité stagnante ne pourrait correspondre qu’un seul procédé logique : la suggestion de la connexité causale par juxtaposition simple. Or ce n’est point le cas de la logique chinoise, mais tout au plus de celle des Boshimans et de certains Papous. Cependant la prépondérance de la juxtaposition (quel qu’en soit ici le caractère spécial) dénote au moins un mouvement révoluteur. En effet, l’usage de la juxtaposition pour l’établissement de la connexité causale suppose nécessairement un retour continuel de l’attention vers les termes antérieurs du système. Il n’en est pas ainsi dans la logique européenne, où l’attention n’a qu’à saisir sans cesse des chaînons nouveaux pour arriver au but sans avoir besoin de tenir en même temps compte des chaînons antérieurs. Qu’on nous permette d’emprunter encore des termes à la mécanique, puisqu’ici la psychologie n’en fournit point : Le mouvement de l’âme chinoise s’accomplit en spirale. Nulle autre courbe ne pourrait figurer tout à la fois la juxtaposition, et l’ampleur croissante des termes juxtaposés. La spirale revient sur elle-même, comme la juxtaposition synthétique et, d’autre part, s’amplifie, comme les stades successifs du connexe causal. Traduisons en psychologie : L’activité, l’énergie inconsciente, tend à évoluer toujours dans le même cercle ; mais l’initiative, la volonté dirigée vers des buts, fait dévier ce mouvement circulaire en élargissant les circonvolutions jusqu’à ce que le but s’y trouve englobé.

Comme tous les théorèmes abstraits, celui-ci semble vague, quoiqu’il ne le soit point. Il est à craindre qu’on ne l’éclaircisse encore qu’à demi, en en commentant la formule par la théorie newtonienne des fluxions. On sait que Newton, dans sa découverte du calcul infinitésimal, s’est fondé précisément sur la genèse de la spirale. Il suppose un point, d’où part une ligne droite d’une longueur infinie qui tourne, avec une vitesse constante, autour du point initial. Sur ce rayon, un point parti du centre avance avec une vitesse constante. La courbe décrite par ce point qui se trouve à la fois en rotation et en progrès rectiligne, est une spirale. Le degré d’élargissement de cette spirale est en raison directe du rapport entre les vitesses des deux mouvements composants. Si la vitesse de progression rectiligne est infiniment grande par rapport à celle du mouvement de rotation, le point décrit une ligne droite ; si la progression rectiligne est infiniment petite par rapport à la rotation, le point décrit un cercle. La ligne droite et le cercle sont deux cas limites de la spirale.

En psychologie, cherchons tant bien que mal des termes analogues : le centre sera la vitalité pure et simple, abstraction faite de tout changement ; — le rayon, c’est l’énergie ; — le mouvement rotatif, la vie inconsciente ; — le point fluent, la volonté dirigée vers un but. La volonté peut s’arrêter très près du centre, ne viser par exemple, qu’à la suppression de la faim ; — le mouvement circulaire subsiste