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Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/309

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nombre restreint de tomes du grand dictionnaire, de police sans doute si nous nous hasardons à en préjuger par son nom : la noussE ; — ° et surtout, un choix éclairé d’opuscules des membres les plus notoires de la Ligue contre l’abus du tabac.

Comment nous fîmes connaissance avec la reine Wilhelmine. — Ce fut à Sluys. en Hollande, dans un bureau de poste, que la jeune souveraine nous octroya plusieurs de ses portraits charmants, et nous fit la grâce de nous les choisir d’un format commode et facile à porter en voyage. Par la discrète entremise d’un employé dudi’. bureau, chacun, à notre exemple et sans même avoir besoin de notre recommandation, pourra se procurer les royales effigies par la méthode suivante :

Achetez une carte postale, que vous ne saurez plus courtoisement employer qu’en y témoignant votre gratitude à la reine. Avant même que vous n’ayez précipité votre carte dans le Briefenbus, appareil ingénieux sans doute mais qui ne réalise pas un bien sensible progrès sur nos boites aux lettres, et pour peu que vous ayez confié une piécette d’argent français, cinquante centimes par exemple, à l’employé complaisant, celui-ci vous fera présent en retour d’une quantité d’autres pièces de tous diamètres et de toutes espèces de métaux, portant l’image finement ciselée de Wilhelmine. Ceci se passe à Sluys — ou dans tout autre bureau de poste.

Le cercueil de la reine Victoria. — Nous nous applaudissons de n’avoir point révélé avant que tout danger fût passé, la terrifiante nouvelle qu’on va lire. Ainsi avons-nous contribué à éviter une désastreuse panique. Peu s’en est fallu que l’Europe n’eût à déplorer la mort, causée par le plus inouï des attentats, de plusieurs souverains et d’une infinité d’officiers supérieurs, réunis à l’enterrement de la reine Victoria. La catastrophe a été détournée grâce au sang-froid et à la discrétion courasreuse des ordonnateurs des funérailles.

Le public avait pu ne pas bien comprendre dans quelle intention le char funèbre fut constitué par un attelage d’artillerie ; ni pourqtioi ces manœuvres, sportives mais bizarres, des porteurs du coffin royal, dont le poids était évalué àtrois cents kilos, « s’entrainant » préalablement au moyen d’un autre cercueil de cinq cents kilos. Qu’il sache aujourd’hui qu’il vient d’échapper à la plus audacieuse tentative des anarchistes de Londres : dans le cercueil, aujourd’hui scellé dans un caveau pour l’éternelle sécurité, avaient été substitués au cadavre de la Reine, trois cents kilos de dynamite ! Si tout péril est conjuré, on le doit à la parfaite condition, méthodiquement acquise, des muscles des porteurs. Mais, réclamerons-nous timidement, était-il bien nécessaire, dans ce cercueil d’entraînement, oublié à cette heure parmi des accessoires hors d’usage sur quelque pelouse de football ou de golf, et même avec cette excuse légitime qu’il fallait au plus vite et avec n’importe quoi, compléter le chilfre de cinq cents kilos. — était-il bien nécessaire d’y introduire précisément les vénérables restes de la Reine ?

Alfred Jarry