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Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/32

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veau. J’étais baigné de sentiments infinis, tendres, j’étais bercé d’images vaporeuses, vagues ; j’étais plus grand et plus fier à la fois.

J’aimais.

Aimer, se sentir jeune et plein d’amour, sentir la nature et ses harmonies palpiter en vous, avoir besoin de cette rêverie, de cette action du cœur et s’en sentir heureux ! Oh ! les premiers battements du cœur de l’homme, ses premières palpitations d’amour ! qu’elles sont douces et étranges ! et plus tard, comme elles paraissent niaises et sottement ridicules ! Chose bizarre ! il y a tout ensemble du tourment et de la joie dans cette insomnie. — Est-ce par vanité encore ?

…Ah ! l’amour ne serait-il que de l’orgueil ? Faut-il nier ce que les impies respectent ? Faudrait-il rire du cœur ?

Hélas ! hélas !

La vague a effacé les pas de Maria.

Ce fut d’abord un singulier état de surprise et d’admiration, une sensation toute mystique en quelque sorte, toute idée de volupté à part. Ce ne fut que plus tard que je ressentis cette ardeur frénétique et sombre de la chair et de l’âme et qui dévore l’une et l’autre.

J’étais dans l’étonnement du cœur qui sent sa première pulsation. J’étais comme le premier homme quand il eût connu toutes ses facultés.

À quoi je rêvais, serait fort impossible à dire ; je me sentais nouveau et tout étranger à moi-même ; une voix m’était venue dans l’âme. — Un rien, un pli de sa robe, un sourire, son pied, le moindre mot insignifiant m’impressionnaient comme des choses surnaturelles et j’avais pour tout un jour à en rêver. Je suivais sa trace à l’angle d’un long mur et le frôlement de ses vêtements me faisait palpiter d’aise.

Non, je ne saurais vous dire combien il y a de douces sensations d’enivrement du cœur, de béatitude et de folie dans l’amour.

Et maintenant si rieur sur tout, si amèrement persuadé du grotesque de l’existence, je sens encore que l’amour, cet amour comme je l’ai rêvé au collège sans l’avoir, et que j’ai ressenti plus tard, qui m’a tant fait pleurer et dont j’ai tant ri, combien je crois encore que ce serait tout à la fois la plus sublime des choses, ou la plus bouffonne des bêtises.

Deux êtres jetés sur la terre par un hasard, quelque chose, et qui se rencontrent, s’aiment, parce que l’un est femme et l’autre homme ! Les voilà haletants l’un pour l’autre, se