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Suarez, il ne restait plus que vingt-six hommes ! vingt-six hommes sur soixante-dix-sept.

Cinquante et un morts ! Et la colonne n’avait pas vu le feu !

Voici les noms de quelques-unes des victimes :

Morts à Vakariano : Robert, Muller, Suzon, Dejoie, Venache, Gardez, X… surnommé Youpette), Lasnier, Kohler.

Morts à Andjia : Camus, Geoffroy, Mathieu, Jean, Brando.

Morts à Ben Alitz : Aulin, Mahé, Loubière, Lazari, Gibert, Millot, Plaisant (mort pendant la traversée d’aller).


LE MEURTRE D’AMBOHIMARINA

La troisième colonne qui partit de Diégo-Suarez est celle d’Ambohimarina (novembre 1898-janvier 1899).

Lorsque Les disciplinaires arrivèrent à ce poste, il n’y avait pas de bourdjanes ; il leur fallut transporter eux-mêmes, au haut des rochers où le camp est établi, tout le matériel de campement, les vivres et les effets. Les hommes, exténués par la marche et les maladies, eurent beaucoup de peine à accomplir ce travail. (On accède au camp par une échelle droite de quinze mètres de hauteur.)

À ce détachement, fut versé un nommé Danger, appartenant aux peaux de lapins — disciplinaires de la Marine. Danger arriva au détachement le 21 novembre 1898, à six heures du soir ; le 23. on le trouva mort dans la brousse. Épuisé par les privations, il était tombé avec son fardeau et n’avait pu se relever ; le sergent Chéret l’avait assommé a coups de talons. Le commandant Veber fit un semblant d’enquête qui n’aboutit pas. L’adjudant Paquier, actuellement en retraite du côté de Nancy, pourrait donner des détails précis sur cet assassinat.


LE SUPPLICE DE LA MARÉE

Les casernements de Diégo-Suarez offrant aux disciplinaires des locaux spacieux et sains, il y a quelques mois la portion centrale fut transportée d’abord à Orangea, ensuite à Andrakaka, où les hommes furent parqués dans des paillottes-stations étroites et fort malsaines. C’est au camp d’Orangea, situé au bord de la mer, que le supplice suivant a été mis en pratique.

Quand un disciplinaire ne pouvait ou ne voulait pas obéir, répondait ou seulement déplaisait à un gradé, il était ligotté solidement et transporté au bord de la mer, à marée basse, la face au soleil, puis le gradé attendait l’obéissance ou l’humiliation. La mer montait…

— Demande grâce, disait le gradé, et je te retire.

L’homme hésitait, s’entêtait, ne voulant pas demander grâce…

Mais tous, lorsque le flot allait les couvrir, criaient au gradé le mot humiliant et libérateur.

G. Dubois-Desaulle