Aller au contenu

Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
la revue blanche



cipline de la Marine. — en argot militaire, les Peaux de lapins[1] ; 2° celui du corps des disciplinaires des Colonies. — en argot militaire, les Cocos[2]. Ces deux dépôts, confondus sous la dénomination courante de « Dépôt d’Oléron ». ont pour commandant le chef de bataillon Dagnau.

Oléron. — Le lieu était trop proche : nous ne pouvions nous contenter de témoignages, — une enquête personnelle s’imposait. Et peut-être le souci d’une documentation personnelle ne fut-il pas le seul motif qui nous incita à l’entreprendre, mais aussi le plaisir amer de revivre des époques douloureuses, de nous mirer dans le spectacle de ces forçats au rang desquels nous étions encore il n’y a pas quatre ans.

C’est en 1900[3] que nous partîmes pour l’île d’Oléron. Débarqué à Château-d’Oléron, nous descendîmes hôtel de l’Océan sous le nom de *** voyageur de commerce en ***. Notre ferveur à lire le Petit Journal. l’Intransigeant, le Gaulois et la Libre Parole consacra notre respectabilité, nous valut la sympathique considération des gradés de la garnison qui venaient là faire leur manille, et nous rendit insoupçonnable, même à l’adjudant Hervé et au commandant Dagnau.

Si nous parlons de la « Discipline » d’Oléron, c’est parfaitement documenté sur elle. Nous avons vu les lieux que nous allons décrire… Cependant le commandant Dagnau peut chercher, — il ne trouvera pas l’autorisation manuscrite sans laquelle personne ne pénètre dans la citadelle, car de cette autorisation nous nous sommes passé, renonçant ainsi à la précieuse escorte d’un homme de garde. Si peu croyable que cela doive paraître tout d’abord, — nous avons visité les batteries du front-de-mer et toutes les fortifications de la première enceinte ; nous sommes entré dans la cour des Cocos, dans leurs casemates, leur

  1. Les Peaux de lapins sont au premier échelon de la répression disciplinaire. Ils correspondent, pour l’armée de mer, à ce que sont les Camisards (fusiliers de discipline de la Guerre) pour l’armée de terre.
  2. Aux premiers échelons de la répression disciplinaire, les disciplinaires de la Guerre et de la Marine sont séparés : il y a, d’une part, les fusiliers et les pionniers de discipline de la Guerre (Camisards et Pions) ; d’autre part, les fusiliers et les pionniers de discipline de la Marine. Mais à l’échelon supérieur, les disciplinaires de l’une et de l’autre armées se confondent pour constituer le Corps des disciplinaires des Colonies (Cocos). Les Cocos ne proviennent pas tous des fusiliers et pionniers précités : ils se recrutent aussi dans les prisons maritimes, les prisons militaires, les pénitenciers militaires, les ateliers de travaux publics, les sections de discipline des bataillons d’infanterie légère d’Afrique, les sections de discipline des régiments étrangers ; enfin on trouve parmi eux quelques relégués individuels, hommes n’ayant passé par aucun corps.
  3. Nous ne préciserons pas la date, et, généralement, tairons tous détails qui pourraient mettre l’autorité militaire sur la trace de ou des personnalités qui nous ont permis, par une aide dont les remercions encore ici, de faire connaître le régime exact du bagne d’Oléron. Leur concours nous fut accordé sur notre parole que nous ne livrerions à la publicité aucun indice d’une complicité qui, établie ou même soupçonnée, leur vaudrait le conseil de guerre.