Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/212

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l’existence d’une guerre. On se souvint des Khoukhouses. Ces malheureux furent sans peine attirés sur l’Amour et y fournirent l’invasion « commandée ». Ensuite on les « rejeta ». Des télégrammes annoncèrent des victoires. On leur imputa la destruction de matériaux de chemin de fer que les ingénieurs avaient détournés. Pour prix des services rendus à la politique des tsars, les Khonkhouses furent à la fin pris entre deux feux pour qu’en fût purgée la nouvelle province russe.

Alors, à l’agonie, la fureur de tigre blessé les anima. D’un élan formidable ils rompirent le cordon meurtrier. Ils marchaient vers leur patrie.

Mourir dans la patrie, retourner à la vie inconsciente de l’univers au lieu même où le destin hasardeux l’en a inconsciemment tiré, c’est le dernier vœu, le rêve suprême du Chinois. Enflammés du génie du désespoir, ils traversent, telle une trombe, un empire hérissé de bayonnettes. Ils arrivent à la mer. La route de la Chine est barrée. Leur choc insoutenable culbute les Anglais invaincus. Ils pénètrent dans le Tchili. Trop tard. Le pays est dévasté. L’horrible bête fauve européenne est maîtresse. Tout fut vain. Ils s’abîment dans l’océan inerte de leur race éternelle.

Mais cet océan fermentera.

Alexandre Ular


Un des Khonkhouses (Bao-tchouen-chong).