Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, mon vénérable père, permettez-moi de souhaiter pour vous, que vous ayez de la patience et de la force dame. La loi du Ciel dirige le Tout.

Dans cinq jours, par le prochain courrier, je vous enverrai encore des nouvelles. Qu’elles soient meilleures !

Je prie pour votre bien-être.

lettre personnelle expédiée de tchang-tzia-gou-ting, le 15 décembre 1900, à monsieur ou-sse-gong, représentant de la maison bao-tchouen-chang au maï-maï-tcheng d’uorga.

Vénérable beau-père ! J’ai sacrifié aux ancêtres de votre sublime fille[1], ma femme, assassinée, pour qu’ils vengent les horreurs perpétrées sur votre famille et pour qu’ils vous donnent la force de supporter votre douleur. Notre famille est détruite, le foyer familial éteint à tout jamais ; et des « quatre relations sociales », il n’en existe plus pour moi que deux. Pourquoi tout ce mal ?

Cependant, ce qui a été épargné de notre famille va mieux. Votre excellente fille, sœur de ma femme, était malade de honte et de douleur, et elle aurait peut-être attenté à ses jours, si ses servantes et son amour maternel ne l’avaient retenue. Notre angoisse au sujet de son mari, qui avait été emmené à la Résidence, était heureusement mal fondée. Il est rentré hier soir, sans ses chevaux et ses voitures cependant, que les barbares lui ont pris. Il a, en vérité, échappé à la mort uniquement parce que son destin l’a voulu ainsi. Et son voyage et ce qu’il a vu à la Résidence pendant une journée nous ont appris quel sort

  1. Le culte des ancêtres est, comme on sait, chez les confoutsistes qui, au fond, devraient être athées, la seule pratique religieuse. Le fait qu’on a recours à cette pratique pour les femmes aussi bien que pour les hommes prouve combien l’idée, généralement adoptée en Europe, est fausse, d’après laquelle la femme chinoise serait une espèce d’esclave comme les infortunées séquestrées des harems islamistes. La femme chinoise est plus respectée que la femme européenne en général. (Si elle ne paraît pas en public, sauf dans la classe prolétarienne, c’est que la vie de famille est beaucoup plus intense en Chine qu’en Europe.) La femme est plutôt une camarade de l’homme. Et il est rare qu’un Chinois, avant de prendre une décision importante, ne consulte pas sa femme. Confinée dans la maison, elle en est la véritable maîtresse, et elle montre, dans la majorité des cas, une instruction supérieure à celle de l’homme, tant au point de vue littéraire qu’au point artistique ; elle fait, dans le ménage chinois normal, contre poids aux préoccupations professionnelles du mari. — Ainsi la première des « quatre relations sociales » est la relation entre mari et femme. Les trois autres sont celles entre parents et enfants, employeurs et employés, amis et amis.