Aller au contenu

Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Han[1]. Il y eut une panique d’abord ; surtout quand on vit que ces Pous avaient ravagé tout le pays par eux parcouru, détruit la moisson, brûlé les villes, et tué tout le monde. Il y eut à la porte du Nord, dit-on, une vive altercation entre le général Pou et le général Fat, et les soldats Fats se préparèrent au combat contre les Pous. Mais les Pous sont les maîtres des Fats, malheureusement[2] ; le général Fat, au milieu de sa discussion avec le général Pou, envoya un des interprètes chez le préfet, et celui-ci, aussitôt, envoya crier par les rues que tous ceux, et surtout les Grands Poings, qui, pour une raison ou pour une autre, avaient à craindre les Pous, devaient se sauver, la ville passant aux mains des Pous.

La fuite fut terrible. Mais enfin, je suis en sûreté. Si j’avais habité la rue du Milieu, j’aurais été perdu. Les immondes Pous, mettant de côté la promesse des Fats, pillèrent et incendièrent notre grande ville. Ils assassinèrent le préfet et deux cents honorables marchands pour leur prendre de l’argent. C’est tout ce que j’en sais jusqu’à présent. Personne n’ose bouger. Et je resterai ici aussi longtemps que possible. Quel bonheur pour vous, d’être là-bas à l’abri des déboires ! car on sait que les Ou-tha-tse[3] vous protègent. Si, bien vite, ils voulaient seulement avancer, rejeter à la mer ces infernaux Pous et rétablir l’ordre ![4] — Les affaires sont naturellement totalement arrêtées.

Enfin, « tout provient du ciel, tout rentre au ciel ». Écrivez bientôt ; vous me feriez un bonheur. Je vous dis mes souhaits de bien-être et de réussite. Je suis votre bien petit et stupide frère cadet.

Il ne faut pas croire que la situation, telle qu’elle se dessine dans La tête des simples citoyens, soit purement imaginaire. Cette situation est aussi bien « politique » que sentimentale. On en voit la preuve dans ce fait que l’intervention russe était attendue et souhaitée même à la Cour impériale, et même par ceux qui n’étaient pas dans le secret des dieux. (Quant à ceux qui savaient à quoi s’en tenir, ils étaient renseignés par le télégraphe direct de Pétersbourg, par Omsk et Kouldja, à Haï-ngan même.) Dans cet ordre d’idées, le document suivant me semble d’une grande

  1. Désignation archaïque des Chinois.
  2. On sait d’autre part qu’on était tout près de prendre les armes. On recourrut à l’arbitrage de Waldersee qui donna raison aux Allemands.
  3. En français « Tartares russes », voire Cosaques.
  4. Le Tsar Messie est devenu le « leit-motiv » de l’âme chinoise.