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Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/567

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Beethoven



Longtemps Wagner a été considéré comme un cas isolé dans la musique allemande. Lorsque l’œuvre wagnérienne commença à être connue, ceux qui faisaient profession d’aimer la musique « classique », celle de Bach, de Beethoven, s’arrêtaient, frappés de stupeur, devant Wagner. Plus tard, quand la mode vint, une autre catégorie de dilettantes écoutait stupide — d’admiration — les pages les plus boursouflées de la « Tératologie », mais ne prêtait qu’une oreille distraite à la Symphonie beethovénienne. Or, l’œuvre de Beethoven conditionne celle de Wagner, elle en est le souffle et la vie, c’est ce qu’affirme Wagner lui-même. Si la Neuvième n’eût déjà existé, on ne peut dire si jamais Parsifal eût été créé.

D’autre part on a cru voir en Wagner un révolutionnaire en matière d’instrumentation ; or, Wagner disait : « En musique instrumentale, je suis réactionnaire jusqu’à Beethoven. » C’est pourquoi nous publions ces fragments : l’admiration wagnérienne en prendra peut-être un caractère plus raisonné.

Wagner écrivit cet article en 1870, à l’occasion du Centenaire de Beethoven ; il s’y mêlait des préoccupations absolument étrangères à la musique et particulièrement à Beethoven : nous en avons fait abstraction. — H. L.

S’il paraît difficile d’expliquer d’une manière satisfaisante le lien réel qui rattache un grand artiste à sa nation, la difficulté s’accroît infiniment quand ce n’est plus d’un poète ou dun artiste de la forme qu’il s’agit, mais d’un musicien.

Les deux premiers sont d’abord jugés dans leur pays par les gens du métier, suivant leur façon de concevoir les événements et les aspects du monde, et c’est toujours ce jugement qu’on a devant les yeux quand on les examine. Si, pour le poète, la langue dans laquelle il écrit a une action prépondérante sur les idées qu’il exprime, pour l’artiste plastique, la nature de son pays et de son peuple n’a pas moins d’influence sur la forme et la couleur de ses œuvres.

Ce n’est ni par la langue, ni par une forme quelconque empruntée à la nature visible de son pays et de son peuple que le musicien se rattache à eux. On admet que la langue des sons appartient uniformément à toute l’humanité et que la mélodie est la langue absolue par laquelle le musicien parle à tous les cœurs. Cependant, en y regardant de plus près, nous voyons bien que l’on peut parler d’une musique allemande distincte d’une musique italienne. On peut, pour établir cette distinction, prendre en considération un trait physiologique national : ainsi la grande disposition de l’Italien pour le chant l’avait prédestiné à sa musique nationale, tandis que l’Allemand, dénué sous ce rapport, a dû se renfermer dans un domaine musical spécial qui lui est essentiellement propre. Mais cette distinction ne touche pas le moins du monde à la substance même de la langue des sons, car toute mélodie, qu’elle