Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pressions extérieures de l’Église et de l’État, et de la lutte intérieure contre ceux de leur famille, se délivrer hardiment et résolument de la foi mensongère dans laquelle on les élève, s’expliquer et expliquer aux autres, surtout aux jeunes générations et aux enfants, l’essence de la foi en Dieu et de la loi de réciprocité qui en découle, et, selon leurs forces, suivre cette loi, quand bien même il en résulterait pour eux un préjudice temporaire.

Ainsi doivent agir les ouvriers.

Et les hommes de la minorité dominante qui, profitant du travail des ouvriers, ont acquis tous les avantages de l’instruction et ainsi peuvent clairement voir les erreurs dans lesquelles on maintient les ouvriers, s’ils veulent réellement servir ces ouvriers, ils doivent, avant tout et par leur propre exemple et propagande, tâcher de les affranchir des tromperies religieuses et gouvernementales dans lesquelles ils sont maintenant embrouillés, et non faire ce qu’ils font actuellement : en laissant, en soutenant, et même en augmentant, par leur exemple, ces tromperies — surtout la principale, la tromperie religieuse —, en proposant des remèdes inefficaces et même nuisibles, qui, non seulement n’affranchiront pas les ouvriers de leurs maux, mais empirent de plus en plus leur situation.

Personne ne peut dire si cela se réalisera bientôt, et quand, et où. Une seule chose est indiscutable : que ce moyen seul peut délivrer l’énorme majorité des hommes — tous les ouvriers — de leur humiliation et de leurs souffrances.

Il n’y a pas, et il ne peut y avoir d’autre moyen.

Yasnaia-Poliana, 12 juillet 1901.
Léon Tolstoï


Traduit du russe par J.-W. Bienstock.