Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

semaine. À Berditchev le taux ou profit commercial est tombé de 10 à 2 %.

On peut voir à Elisabetgrad, à Odessa, des masures en planches où 2 familles de 6 personnes chacune, vivent dans une seule pièce de 9 pieds carrés, sans porte de séparation. Les fossés de Homol contiennent 120 de ces bicoques, ouvertes à tous les vents et où logent plus de deux mille personnes. À Wilna des milliers d’êtres humains vivent dans des caves se trouvant à deux étages au-dessous du niveau de la rue. En plein midi il faut allumer une bougie pour pouvoir contempler le spectacle de tristesse et d’horreur que présentent ces repaires. À Odessa, un quart de la population vit on ne sait comment ; beaucoup se livrent à la mendicité. À la fête de Pâques 60 000 juifs sur 130 000 ont sollicité le secours de la communauté pour l’achat des pains azymes. À Mobilev-Podolsk, le quart de la population juive (soit 600 familles) a eu besoin du même secours. Ces pauvres diables ne connaissent plus le goût de la viande. (En effet, en 10 ans le revenu de la taxe sur la viande est tombé de 14 000 à 8 500 roubles). À Berditchev, un nombre considérable de juifs attendent l’occasion favorable pour gagner quelques kopeks en s’offrant comme porteurs, guides ou commissionnaires ; 5 000 familles (le tiers de la population) n’ont pas de moyens d’existence. À Sklov (Mohilev) la détresse est affreuse. Sur 8 000 habitants, 7 000 juifs sont réduits à la charité publique ; 200 familles à peine sont secourues.

Les ouvriers juifs acceptent les besognes les plus rudes et les plus dangereuses, contrairement à la superstition qui les représente comme exclusivement adonnés au trafic de l’argent. Partout dans le « Territoire » ils portent les fardeaux. En Lithuanie, ce sont eux qui fournissent les maçons ; à Odessa, à Elisabetgrad ils sont reverseurs de blé, tâche pénible et insalubre.

À Kreslava (près Dvinsk), ils sont trieurs de soies pour brosses.

À Kasimilch, à Grodno, à Wilna, ce sont presque exclusivement les juifs qui attachent les troncs d’arbres pour en faire des radeaux. Sur les bords du Dniepr, l’on peut voir les débardeurs juifs — quelques-uns de 60 à 65 ans — passer des journées de 13 à 14 heures dans l’eau jusqu’à mi-corps, déchargeant les bateaux, et trop heureux de gagner ainsi, pendant la belle saison, 3 roubles par semaine. À Wilna se trouvent les vachevniki, dont la besogne consiste à détacher les troncs d’arbres des radeaux pour en former des piles. Ils opèrent à cheval et leur métier, qui exige beaucoup de hardiesse et une adresse particulière, est extrêmement dangereux. Les vachevniki à Wilna sont au nombre de 480, tous juifs.

Les femmes ne fournissent guère un moindre contingent à l’armée du travail. Les ouvrières des manufactures de tabac et des ateliers de cigarettes sont presque exclusivement juives. Ces ouvrières font des journées moyennes de 12 heures. Il en est qui travaillent de 13 à 14 heures par jour, comme dans les manufactures d’allumettes à Homel. On les