Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/264

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En dehors de Londres, il y a des juifs ouvriers ou tout à fait indigents à Leeds, Manchester, Liverpool, Glascow, Birmingham et Bristol. Charles Booth estime à 8 000 le nombre des ouvriers juifs à Leeds employés au vêtement, 1 500 aux chaussures, etc. À Manchester leur situation est très mauvaise : parqués dans le quartier le moins salubre de la ville, ils font des journées écrasantes ; certains travaillent de 20 à 21 heures par jour (Fifth Report…). M. Quinn, président de l’Union des tailleurs, affirme que le « sweating » a horriblement augmenté à Manchester et que les ouvriers juifs sont préférés par les patrons, parce qu’ils se contentent d’un salaire moins élevé. L’inspecteur des ateliers dit que, quelle que soit l’heure à laquelle vous vous rendiez parmi ces ouvriers et dans n’importe quel endroit, vous les trouverez toujours au travail. Néanmoins le chômage sévit longuement. Et la Soziale Praxis de 1896 annonçait l’ouverture d’un « Labour-Hall » pour la procuration du travail.

En additionnant les chiffres de Londres, Manchester et Leeds, M. Soloweitschik trouve le chiffre approximatif de 54 000 ouvriers juifs, qu’il considère comme inférieur au chiffre réel, lequel s’élèverait à 60 000 dans la Grande-Bretagne.

AUX ÉTATS-UNIS

On a vu plus haut que de 1881 à 1899. environ 550 000 Israélites russes sont arrivés dans ce pays. En 1900, le nombre des immigrants russes était de 30 000, alors qu’en 1897, il n’était que de 20 000 et en 1898 de 25 000 [1]. L’immigration roumaine et galicienne commencée en 1899 et en 1900 fournit également un contingent important. On estime l’ensemble de l’immigration juive aux États-Unis à 50 000 par an, dont 40 à 45 000 ouvriers. Si on a lu ce que nous avons dit de la situation des juifs de Russie, de Roumanie et de Galicie, on ne s’étonnera pas de cet exode imposant.

L’exode commença vers 1881.

« Des milliers et des milliers quittèrent leur patrie qui les repoussait, et des trains entiers, remplis de familles juives, se dirigèrent vers les principaux ports de l’Europe. Ce furent des scènes à déchirer le cœur, qui eurent lieu dans les petites gares de Russie ; c’étaient des mères qui embrasaient peut-être pour la dernière fois leurs enfants, des maris qui prenaient congé de leurs femmes, des frères qui se disaient un adieu peut-être éternel. Plus de 150 000 juifs débarquèrent aux États-Unis en 1881. C’est d’une façon atroce que ces malheureux furent maltraités dès le moment où ils quittèrent leur pays. Dans les ports, surtout à Hambourg et à Anvers, ils étaient exploités de toutes les façons ; sur les bateaux, les bêtes étaient mieux traitées qu’eux ; on les mettait dans le troisième entrepont et on avait

  1. La population juive des États-Unis s’élève aujourd’hui à 1 045 000 dont 50 à 60 000 appartiennent à la classe ouvrière. (American Jewish Year Book, 1901.)