Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/516

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devra prendre rang au N° 36 dans l’estime de leur mari mutuel, et coucher à la cuisine, très vraisemblablement ; et comment cette effroyable pratique, ce rassemblement dans un seul nid odieux de la mère et des filles, et cette élévation d’une fille toute jeune au-dessus de sa mère sont des choses que les Mormonnes acceptent, parce que leur religion leur enseigne que plus un homme a de femmes sur la terre et que plus il élève d’enfants, plus haute sera la place qu’ils occuperont tous dans le monde à venir, et plus elle sera chaude, peut-être, bien qu’ils n’en disent rien.

Selon ces Gentils de nos amis, le harem de Brigham Young contient vingt ou trente femmes. On dit que plusieurs d’entre elles sont devenues vieilles et ont quitté le service actif, mais qu’elles sont logées et entretenues confortablement dans le sérail, la Maison du Lion, ainsi qu’on le nomme bizarrement. En compagnie de chaque femme sont ses enfants, cinquante en tout. La maison est parfaitement calme et paisible quand les enfants se tiennent tranquilles. Ils prennent tous leurs repas dans la même pièce, spectacle joyeux et familial, prononce-t-on. Aucun de nous n’eut l’occasion de dîner chez M. Young, mais un Gentil du nom de Johnson, se donnait pour avoir eu le plaisir de déjeuner en ami à la Maison du Lion. Il fit un tableau comique de l’appel nominal et autres préliminaires, et du carnage qui se déchaîna quand on servit les gâteaux de sarrazin. Mais il broda un peu trop. Il dit que M. Young lui rapporta plusieurs traits d’esprit de certains de ses « deux ans » en observant, non sans fierté, qu’il avait été, pendant bien des années, le fournisseur le plus abondant de cette spécialité à l’une des revues de l’Est ; alors il voulut montrer à M. Johnson un des petits chéris qui avait dit le dernier bon mot, mais il ne put pas retrouver cet enfant. Il explora la physionomie de tous les enfants en détail, mais sans pouvoir décider lequel c’était. Finalement, il y renonça, avec un soupir, et dit :

— Je pensais que je reconnaîtrais ce petit moutard, mais non !

M. Johnson ajouta que M. Young observa que la vie était une triste, triste chose, « parce que la joie de chaque mariage que l’on contracte est sujette à s’éteindre dans le deuil inopportun d’une épouse moins récente. » M. Johnson dit que pendant qu’il conversait agréablement en particulier avec M. Young, l’une des Mmes Young entra et réclama une broche, expliquant qu’elle avait découvert qu’il en avait donné une au