Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/578

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indigènes dont nous ne ferons que ratifier l’élection, elles seront un danger pour tous : pour nous dont elles exècrent le joug odieux, la discipline arbitraire et féroce ; pour les populations qu’elles dévalisent dans le but de compenser et l’insuffisance de leur solde et le mépris arrogant dont les couvre la stupidité coloniale.

Plus encore que les régiments indigènes, les milices actuelles sont l’armée permanente de l’insurrection — ce que je ne leur reproche certes pas. — Chaque milicien renvoyé chez lui, c’est un mécontent rendu à la circulation, à cette incoercible propagande du ressentiment à laquelle nul régime n’a jamais résisté bien longtemps sous le soleil.

Qu’on supprime donc ces armées de brigandage et de parade grotesque, dont jamais personne n’a su se servir, ou plutôt qu’on les transforme radicalement. Qu’on les rende au travail nourricier et que l’on paie par des avantages suffisants — exemptions d’impôt, subvention annuelle à la communauté, etc. — les services de police et même de guerre qu’on leur demandera.

Les Hova avaient, pour couvrir leurs frontières toujours menacées, des villages pareils aux autres villages, gouvernés comme les autres villages, mais fortement retranchés, et dont les habitants quittaient la bêche du laboureur pour le fusil et la sagaie chaque fois qu’il était nécessaire. Ces villages devraient servir de modèles.

Puisque Madagascar est une colonie type, qu’on commence par elle, et dans deux ans le gouvernement pourra rapatrier les trois quarts des troupes européennes et la totalité des troupes africaines qui sévissent dans la grande île. L’idée insurrectionnelle disparaîtra naturellement avec ceux qui la provoquent.

Nous ne devons être ni les bourreaux, ni les souteneurs de nos colonies : la première fonction nous coûte trop cher, la seconde coûte trop cher aux colonies.


Le fonctionnarisme colonial, en somme, c’est encore et toujours le militarisme, c’est encore et toujours le monstre parasitaire dont la luxuriance est en raison directe de l’anémie végétale qu’elle couronne somptueusement.

Entre l’autorité militaire et l’autorité fonctionnarienne, la différence est plus nominale que réelle. Le fonctionnaire est une espèce de militaire, tout comme le militaire est une espèce de fonctionnaire, et l’indigène les confond couramment dans une même haine peureuse. Le premier vaut mieux parce qu’il a les griffes moins longues, mais l’appétit est, de part et d’autre, exactement le même. Entre l’homme qui extermine les gens de Toéra et l’homme dont les vexations provoquent une insurrection foudroyante dans le nord-ouest de Madagascar, le choix est embarrassant. Entre le général Voyron qui fait brûler l’Imérina, en 1896, et le gouverneur qui accule le Canaque à la révolte pour le livrer ensuite au Fusil Lebel, en 1901, il n’y a pas l’épaisseur d’une conscience.