Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/176

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exil et un trapéziste en sommeil, vu le manque des instruments nécessaires. Avant peu, je raconterai ces deux prisons de mon enfance dans un roman.

3° La liberté de l’enseignement n’existe pas. Il y a seulement face à face deux privilèges : celui de l’Etat, celui de l’Eglise. Le premier veut supprimer le second, voilà tout. Je voudrais, moi, la liberté réelle de l’enseignement ; ce qui ne m’empêche pas, si je considère la lutte présente, d’opter pour le monopole de l’Etat, contre la Congrégation.

4° Ma troisième réponse me pourrait dispenser de cette quatrième. Les défenseurs de la prétendue liberté de l’enseignement ne luttent, en effet, que pour le maintien de la part de privilège arrachée à l’État, voilà cinquante ans. La loi Falloux ne fut pas une loi de liberté, mais une revanche de l’Eglise. Il faut que l’Eglise perde la belle ; il faudrait même qu’elle disparut : alors, on se tournerait contre l’Etat, on lui enlèverait l’enseignement. On parlerait de liberté sans jouer sur le mot ; on la réaliserait…

J’ajoute, dès maintenant, je voudrais la coéducation. Je fus, dans la presse parisienne, un des rares avocats de Cempuis. (Voir mon bouquin : Humanisme intégral.) Enfin, Monsieur, il me semble que les vrais hommes — comme les vraies femmes — doivent leur personnalité surtout à elle-même. Le meilleur des enseignements est celui de l’individu par soi, par ses lectures, ses réflexions, sa volonté.

De MM. Marius-Ary Leblond :

I. Nous avons été élevés d’abord dans une pension privée d’enseignement religieux, puis à partir de onze ans au lycée de l’Etat, où continuait de se donner obligatoirement un enseignement religieux..

II. Le premier enseignement religieux, très intense, a assez profondément troublé notre imagination qui est restée assez longtemps emprise de visions d’enfer et de martyres, bien après que l’esprit se fût, vers la treizième année, complètement dégagé de toute idée religieuse. Encore maintenant, aux heures de subconscience (sommeil, etc.), les hantises catholiques de mort, de fin du monde, occupent notre cerveau. Nous devons dire que notre pays de lumière et de beauté réaliste (île de la Réunion) contribua beaucoup à limiter l’action lente et ombreuse d’une telle éducation.

Le lycée eut sur nous une influence intellectuelle qu’il est bien difficile de mesurer quantitativement ; et il nous semble que tout ce qu’il peut y avoir de bon en nous a été acquis complètement en dehors de l’enseignement universitaire dont, en tous cas, l’action morale fut absolument nulle. Quoique ayant toujours eu les premiers succès, notre développement a toujours été en sens contraire à ce que demandaient nos professeurs. Mais nous avons eu quelquefois parmi eux des amis nous considérant comme des égaux, ce qui entretenait plus que tout notre ferveur studieuse. Le régime était généralement, tel que nous avons pu nous élargir assez aisément dans le sens de nos facultés. Nous étions relativement très libres, puisque nous réussissions à discuter