Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/180

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semble-t-il, si, dès leur plus tendre enfance, on leur apprend que les vérités les plus importantes s’expriment par des phrases dépourvues de signification palpable, si on les dresse à considérer comme essentielles les formules qu’ils ne comprennent pas. On en fait des perroquets prétentieux.

Il est néanmoins indispensable que l’on fournisse aux enfants, puisqu’ils ont besoin de comprendre les choses extérieures, une explication provisoire en rapport avec le développement de leur jeune intelligence. Mais il ne faut pas imiter les parents qui, pour se débarrasser des « pourquoi » souvent très gênants de leurs gamins, leur farcissent la cervelle d’absurdités. C’est là, d’ailleurs, la chose la plus difficile à réaliser. Je ne connais pas de manuels d’enseignement primaire qui soient suffisants. Il faudrait en faire de bons et les imposer.

4° Ceux qui réclament la liberté de l’enseignement peuvent se placer à deux points de vue. Ou bien ils demandent qu’on donne à choisir aux enfants entre les divers systèmes admis par les adultes ; mais il n’y a là qu’une liberté illusoire, car il sera toujours possible au maître de rendre sympathique à l’enfant la théorie qui lui est chère à lui-même et, d’autre part, les explications les plus simplistes, celles qui exigent le moindre effort (un effort de mémoire et non d’intelligence), les explications qui dissimulent leur nullité sous un attirail de mots pompeux, seront les plus facilement adoptées.

Ou bien ils demandent qu’on autorise les parents, s’ils ont l’esprit faussé et se plaisent dans leur ignorance, à fausser l’esprit de leurs enfants et à les condamner aux ténèbres perpétuelles. Mais les enfants ne sont pas la propriété des parents ; ce ne sont pas des jouets dont on ait le droit de s’amuser ; ils sont destinés à devenir des hommes plus tard et l’État a le devoir de veiller à ce qu’ils deviennent, au besoin malgré leurs parents, des hommes à l’esprit droit.

On discute sur beaucoup de points, mais l’humanité n’a pas travaillé en vain ; il y a des vérités acquises ; il y a des choses dont l’erreur est reconnue. Il faut interdire l’enseignement de l’erreur et rendre obligatoire celui de la vérité.

De M. Maurice Maeterlinck :

1° J’ai été élevé dans un établissement religieux. De l’espèce la plus dangereusement religieuse, puisqu’il était dirigé par les jésuites ;

2° Cette éducation ou plutôt cette intoxication accomplie, il m’a fallu près de dix ans pour rétablir ma santé intellectuelle et morale ;

3°, 4° Il n’y a qu’un enseignement qui mérite d’être appelé libre ; c’est celui qui ne reconnaît aucune religion positive. C’est aussi le seul que l’on devrait répandre.

De M. Constantin Meunier :

1° J’ai été à l’école laïque où je n’ai reçu qu’une instruction rudimentaire, — plus tard je me suis meublé le cerveau par des lectures et un