Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/350

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corps législatif, le 25 avril 1857, par le rapporteur de la commission chargée d’examiner le projet du code de justice militaire (celui en vigueur actuellement) dit ceci : « La peine des travaux publics offre cet avantage précieux qu’elle n’expose pas des militaires, chez qui le sentiment de l’honneur est vivant, au contact d’hommes déjà pervertis. Le coupable garde, dans ces ateliers, ses habitudes d’activité, au lieu de languir dans le repos honteux et stérile de la prison ; on l’y emploie à des travaux qui, sans dégrader l’âme, fatiguent le corps et domptent la volonté… » Il est inutile d’insister sur l’hypocrisie de ces paroles. J’ai montré plus haut à quel genre de travaux étaient employés les détenus militaires des camps algériens, et à quel genre de spéculations l’autorité supérieure se livrait avec eux.

L’intérieur de l’atelier de travaux publics de Mers El Kébir, près Oran.

Le minimum de la peine de travaux publics que peut prononcer un conseil de guerre est de deux années, et le maximum de dix ans. Dans le cas de condamnations successives, les peines militaires ne se confondent pas, et se subissent successivement, intégralement — à moins qu’une grâce spéciale n’intervienne[1]. Dans les ateliers de travaux

  1. Des tableaux de grâce sont établis deux fois par an (quatre fois par an, pour les petites peines, dans les prisons et les pénitenciers militaires), et les condamnés peuvent ainsi bénéficier de réductions de peine ou même de la libération définitive. Mais ce sont là des chances inespérées, et le nombre est minime de ceux qui, à chaque tableau-grâce, bénéficient ainsi de quelques faveurs. La moindre punition de cellule entraîne la radiation du tableau de grâce, et recule, de plusieurs années quelquefois, une nouvelle inscription sur les listes de proposition pour la grâce. Et j’ai montré plus haut combien la punition de cellule était facile, puisqu’un simple sergent, pour la moindre vétille, peut en infliger quatre jours.