Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/381

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et plus loin, p. 68 :

« Admirerai-je moins la grandeur de la puissance de cette première cause de tout, s’il lui a plu que les choses fussent ainsi ; que si, par autant d’actes de sa volonté, elle se fût occupée et s’occupât continuellement encore des détails de toutes les variations, de tous les développements et perfectionnements, de toutes les destructions et de tous les renouvellements ; en un mot, de toutes les mutations qui s’exécutent généralement dans les choses qui existent.

« Or, j’espère prouver que la nature possède les moyens et les facultés qui lui sont nécessaires pour produire par elle-même ce que nous admirons en elle. »

J’ai souligné cette dernière phrase qui est la plus essentielle ; peu importent en effet les discussions théologiques et métaphysiques, Lamarck se place sur un terrain très positif et y recueille une admirable moisson.

En résumé, la nature « a créé dans tous les animaux, par la seule voie du besoin, qui établit et dirige les habitudes, la source de toutes les actions, de toutes les facultés, depuis les plus simples jusqu’à celles qui constituent l’instinct, l’industrie, enfin le raisonnement. » (p. 67).

Mais comment se réalisent ces besoins, comment agissent-ils ? Ce problème ne pouvait manquer de se poser à l’esprit de Lamarck ; il lui fallait une théorie de la vie. Il en a donné une dans la seconde partie de son ouvrage et cette seconde partie est fort inférieure à la première. La physique et la chimie étaient encore à leur aurore et le mot si vague de fluide se retrouve naturellement dans toutes les explications mécaniques qu’on pouvait donner. Cependant, malgré cette infériorité fatale de sa théorie de la vie, elle contient encore des preuves évidentes du génie de son auteur. Laissons de côté ce qui est suranné ; nous trouvons même dans cette partie de l’ouvrage, des choses qui auraient suffi à immortaliser le nom d’un savant.

D’abord, à la notion peu scientifique de l’existence de trois règnes, le règne animal, le règne végétal, le règne minéral, il substitue une division des corps de la nature :

« 1° En corps organisés, vivants ; 2° en corps bruts et sans vie. »

« Les êtres ou corps vivants, ajoute-t-il, p. 91, tels que les animaux et les végétaux, constituent la première de ces deux branches des productions de la nature. Ces êtres ont, comme tout le monde sait, la faculté de se nourrir, de se développer, de se reproduire, et sont nécessairement assujettis à la mort.

« Mais ce qu’on ne sait pas aussi bien, parce que des hypothèse en crédit ne permettent pas de le croire, c’est que les corps vivants, par suite de l’action et des facultés de leurs organes, ainsi que des mutations qu’opèrent en eux les mouvements organiques, forment eux-mêmes leur propre substance et leurs matières sécrétoires ; et ce qu’on sait encore moins, c’est que par leurs dépouilles, ces corps vivants donnent lieu à