Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/427

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Aliment, Condiment,                    
                    Médicament, Poison.

Harpagon trouvait inutile que l’on donnât à manger aux chevaux les jours où ils ne travaillaient pas ; bien des physiologistes modernes font un raisonnement analogue quand ils comparent l’organisme animal à une machine et étudient son rendement. Cette comparaison paraît d’ailleurs assez fondée si l’on s’en tient à l’observation d’un être adulte qui, pendant de longues semaines, ne se modifie pas sensiblement dans sa structure. Cet être consomme certains matériaux et produit du travail, comme une locomotive à laquelle on fournit du charbon et de l’eau.

La locomotive qui a travaillé longtemps est usée ; continuant la comparaison, on a pensé que l’animal aussi s’usait en travaillant, erreur que l’on aurait évitée si, au lieu d’étudier un organisme adulte dans lequel le phénomène essentiel de la vie est masqué par des phénomènes secondaires, on avait observé un être jeune, un enfant en voie de croissance par exemple. Chez l’enfant, en effet, il est bien évident que les matériaux consommés ont un autre résultat que de fournir du travail ; le phénomène vraiment vital, c’est la fabrication de substance d’homme, par un enfant, au moyen de substances étrangères. Chez l’adulte, cette fabrication de substance d’homme est balancée par une destruction équivalente et c’est même pour cela que l’individu est adulte ; aussi l’on ne remarque pas ce qui est essentiel dans le fonctionnement animal et on le compare à celui d’une machine : l’homme ingurgite certaines substances combustibles et absorbe d’autre part de l’oxygène qui les brûle comme le charbon est brûlé dans la locomotive ; de là résulte la production de travail et l’on se préoccupe de vérifier si la quantité de travail fournie est en harmonie avec la quantité de combustible employée. Tout au plus met-on de côté une petite quantité de matériaux destinés à réparer l’usure de la machine.

On aurait été assez embarrassé autrefois pour évaluer la quantité de travail que doit fournir la combustion de certaines substances ; on ne l’est plus aujourd’hui que l’on connaît l’équivalent mécanique de la chaleur ; on sait qu’une quantité de chaleur