cupent de l’approbation ou de la désapprobation des gens (et ils sont rares) qui suivent leurs efforts sans parti pris, parce que cela les conduit à persévérer dans la première voie ou à chercher ailleurs ; mais une fois une découverte définitive, l’opinion du public leur devient indifférente ; la vérité qu’ils ont trouvée ne leur appartient pas quoiqu’ils soient fiers de l’avoir trouvée.
— Tout ce que vous dites est très flatteur pour les savants, reprit le docteur ; vous les mettez au-dessus des querelles humaines, mais je pourrais vous en citer plusieurs, et non des moindres, qui descendent dans l’arène comme de vulgaires mortels ; quelques-uns même sont un ferme appui pour les curés.
— Pour être savant on n’en est pas moins homme, répondit M. Tacaud. Je vous disais seulement qu’un chercheur de vérité ne saurait se préoccuper, dans ses travaux, des goûts et des passions des gens qu’il fréquente et qu’il aime ; en dehors du laboratoire, il redevient n’importe qui, et il peut avoir sur les questions autres que celles qu’il étudie scientifiquement, des opinions basées sur le sentiment ou sur la tradition. Il me paraît fort compréhensible, par exemple, qu’un physicien ou un mathématicien s’érige en ardent défenseur de la religion de ses pères. Jamais, en effet, l’autorité ecclésiastique ne lui contestera un résultat obtenu dans la vie scientifique et, se bornant à juger de la partie qu’il a approfondie, il vous dira le plus honnêtement du monde que la science n’a rien à voir avec la foi. Sa sérénité serait moins parfaite si on voulait lui imposer au nom d’un vieux document considéré comme sacré un théorème faux ou une loi inexacte. Or c’est ce qui arrive chaque jour aux biologistes ; il ne faut donc pas s’étonner que tous, j’entends du moins tous ceux qui s’occupent des problèmes fondamentaux auxquels le dogme a donné une solution, aient été amenés à s’insurger contre une autorité qui a la prétention d’être supérieure à l’évidence.
— Voilà que vous y venez, dit le médecin en riant ; vous allez arriver après toutes vos réticences et tous vos raisonnements à m’avouer que vous êtes aussi enragé que moi contre les curés ; je vous avoue que je n’en suis pas fâché, et que le tour de la conversation commençait à m’inquiéter ; je me demandais si vous aviez trouvé votre chemin de Damas !
— Si je l’avais trouvé, je le proclamerais bien haut répondit Fabrice ; et c’est là justement ce que je tenais à vous dire. Les vérités de la biologie étant presque toutes en contradiction avec le dogme, il est inévitable que ceux qui les publient deviennent, pour les croyants, des objets d’exécration ; ces vérités finiront par prévaloir, cela est certain car elles sont indépendantes de la men-