Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/566

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ne niera que Lavoisier ait fait la plus admirable découverte en comprenant le rôle de l’oxygène dans ce phénomène familier. Nous savons raconter, sans l’analyser, l’histoire de l’assimilation ; c’est un point de départ pour la langue biologique ; nous serons sûrs, quand nous nous exprimerons dans le langage basé sur cette constatation, de ne pas introduire inconsciemment dans nos phrases des hypothèses déguisées, et c’est déjà là un avantage inappréciable si l’on veut bien penser à la manière dont on s’exprime aujourd’hui au sujet des phénomènes vitaux.

À mesure que nous avancerons dans l’étude des cellules vivantes, nous observerons d’autres phénomènes globaux que nous pourrons raconter sans les analyser, celui de la destruction, celui de la variation, par exemple, et nous nous astreindrons à décrire avec ces manifestations d’ensemble de la vie cellulaire comme éléments, tous les phénomènes plus complexes qui se passent dans les agglomérations de cellules. Si ce langage ne nous apprend rien par lui-même il nous permettra du moins de poser les problèmes sans admettre implicitement dans notre énoncé des hypothèses saugrenues qui suffisent à les rendre insolubles ; bien plus, certains problèmes qui se posent fatalement à nous dans le langage vulgaire ne se poseront plus et seront par là même éliminés du champ des recherches.

Parmi les phénomènes d’ensemble que nous observerons chez les êtres complexes formés d’une agglomération de nombreuses cellules, chez les animaux supérieurs et l’homme par exemple, il y en aura naturellement beaucoup que nous ne pourrons pas, immédiatement et sans une étude approfondie, arrivér à raconter en ne tenant compte que des activités cellulaires ; il faudrait en effet pour cela avoir analysé complètement ces phénomènes d’ensemble et savoir comment telle fonction de l’homme résulte de l’activité de tels et tels éléments de son corps. Cette analyse sera le but que nous nous proposerons, mais avant d’y arriver il faudra nous ingénier à raconter ces phénomènes sans hypothèse, dans un langage global analogue à celui que nous aurons précédemment créé pour raconter l’activité cellulaire. Darwin nous a appris à nous servir de ce langage pour tous les êtres vivants :

Tous les êtres vivants, qu’ils soient unicellulaires ou complexes, vivent et meurent ; ceci est certain et nous pouvons l’affirmer sans faire d’hypothèse et sans savoir, au fond, ce que c’est