Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/84

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la bonellie et chez certains crustacés parasites. La bonellie est un ver marin dont le mâle, microscopique, est parasite dans la trompe d’une femelle mille fois plus grosse ! S’il y avait une société de bonellies, les mâles ne seraient sûrement pas consultés pour l’administration des Affaires publiques.

Entre les deux extrêmes il y a une infinité dé types intermédiaires dont bien des exemples sont présents à l’esprit de tout le monde ; le coq et la poule, le cerf et la biche, le lion et la lionne, etc… L’homme occupe, dans cette série, une situation moyenne ; son dimorphisme sexuel, très considérable par rapport à celui des pigeons, est très minime par rapport à celui des bonellies ; mais, indépendamment des différences morphologiques, il existe chez tous les mammifères une spécialisation du travail reproducteur ; le mâle se contente de fournir ses éléments mâles ; la femelle porte dans son sein, pendant un temps plus ou moins long, les jeunes embryons résultant de l’accouplement, et il est évident que pendant l’accomplissement de cette fonction de gestation et pendant l’allaitement qui la suit, il y a quelques inégalités nouvelles dans les capacités fonctionnelles des deux sexes. Nous ne devons pas, cependant, nous exagérer ces différences ; chez les mammifères autres que nous-mêmes, nous ne voyons pas que la gestation et l’allaitement modifient bien profondément les différences d’aptitudes existant en dehors de la période spéciale de reproduction. Occupons-nous donc d’abord de ces différences d’aptitudes, sans songer aux complications qu’entraîne la vie intra utérine des fœtus.

Les biologistes ont été amenés à considérer que les glandes génitales sont, dans l’organisme des individus sexués, de véritables parasites, nés de l’organisme même qui les contient et capables de le reproduire ; il y a là une génération alternante, dont nous n’apercevons pas généralement le terme intermédiaire parce qu’il est informe et logé au sein de nos tissus. La chose est plus nette chez la fougère ; ses spores donnent naissance, sur la terre humide, à un prothalle qui ressemble à une algue et non à une fougère ; puis sur ce prothalle apparaissent des éléments génitaux dont l’union reproduit une fougère ; il y a alternance d’une génération sexuée, le prothalle, avec une génération asexuée, la fougère, et ceci est très général parmi les êtres supérieurs ; seulement, chez nous, le prothalle est parasite et nous ne le distinguons pas du reste de notre corps ; nous croyons produire nous-mêmes nos éléments sexuels, et nos enfants sont en réalité nos petits-enfants…