Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/88

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pas de loi générale qui permette d’établir la prédominance d’un sexe sur l’autre ; on doit se borner à constater que, dans chaque espèce, il existe des différences sexuelles, et que, à partir de la puberté, ce ne sont plus les mêmes caractères qui se développent chez le mâle et chez la femelle. Les expressions supérieur et inférieur sont peu scientifiques, n’étant pas susceptibles d’une définition précise.

Si l’on s’en tenait à l’étude de l’espèce humaine, on pourrait cependant remarquer, tandis que la puberté du mâle semble donner un coup de fouet au développement de toutes ses facultés (des facultés viriles, tout au moins), que la puberté de la femelle paraît plutôt ralentir son évolution ; en particulier le développement musculaire et le développement cérébral ne paraissent plus aussi actifs ; encore faut-il se demander de quelle partie du développement cérébral il s’agit, car si l’on étudie, au moins quant à ses effets, la circonvolution de Broca, on ne constate pas, je pense, que les femmes soient moins bavardes que les hommes…

Et puis, il y a femmes et femmes, comme il y a fagots et fagots, et c’est justement ce que je voudrais établir dans cet article.

La diathèse sexuelle mâle est une maladie virulente chronique, devenue physiologique par suite d’une adaptation qui a duré des milliers de siècles ; la diathèse sexuelle femelle est une autre maladie virulente, également chronique, également physiologique par adaptation progressive. Et de même qu’il y a des fièvres typhoïdes plus ou moins graves, de même que la variole peut prendre la forme atténuée de la vaccine, de même, il y a des degrés dans la virulence du sexe.

Je ne veux pas entendre par là, qu’il y a des cas où l’organe génital a une valeur reproductrice plus ou moins grande ; l’abeille ouvrière, diffère, par exemple, de l’abeille reine, parce que sous l’influence d’un régime alimentaire spécial, son organe génital n’arrive pas à maturité ; elle n’atteint pas la puberté, tandis que la reine, gavée de miel dès l’âge le plus tendre est envahie par un ovaire formidable qui lui permet de pondre sans arrêt pendant sept ou huit ans. L’ouvrière garde la sveltesse et l’activité d’une fillette impubère ; la reine devient une grosse et lourde machine à pondre.

Mais, au point de vue reproducteur, l’abeille ouvrière et l’abeille reine ne s’équivalent pas le moins du monde, et l’on pourrait dire que si la reine est envahie par son sexe, l’ouvrière n’a pas de sexe du tout.