Page:La Revue blanche, t7, 1894.djvu/309

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Inédits de Laforgue [CES que nous publions dans vn ordre à peu près arbitraire, figurent sur feuilles volantes de dates diverses et indéterminées. ] 1 Le Soleil torride à son apogée pleure des lingots ! comme des battants de cloche, [ 1 ] et assoiffé de brises de prairies, de parfums de cresson, il aspire les sources invisiblement, les sources des paysages... elles se tordaient de malaise cher¬ chant leur destinée dans cette atroce journée ; il voit monter ces troupeaux aériens de globules et s’y rafraîchit avec un soupir, de loin, et soulagé, cesse d’aspirer et l’eau plane alors en nappes noires bouillantes de ce baptême spasmodique. En nappes noires pleines d’orage, fécondées de foudres latentes, se tordant comme un malade sur son matelas, voyageant, s’étirant, se flairant, amoureuses les unes des autres, se désirant, se repoussant par peur des catastrophes finales... Les feuilles tournent comme un œil agonisant sur leurs pétioles [2], les branches battent comme des artères bouchées par des chaleurs inconnues, les prairies s’assombrissent comme la roue d’un paon en courroux, comme la crête d’un coq aveuglé, comme la face des aéronautes perdus, désorbités de la planète, les vents se cherchent en inventant des prétextes [ 3 ] inépuisablement lamentables, la créature se sent en détresse. L’eucharistie du Soleil défaillant d’un air tout [1 ] pleure des larmes d’or fondu qui se volatilisent. [2 1 pédoncules désorbités,