Page:La Revue blanche, t8, 1895.djvu/125

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barras au point de vue financier, et prochainement – très prochainement, j’espère que je serai hors d’affaire. Vous ne croiriez pas combien je suis industrieux. Je suis résolu à devenir riche – à triompher.




À Mme  Maria Clemm [1]

Richmond, septembre 1849.

… Chacun dit que si je lecture de nouveau et mets les billets à cinquante cents, je gagnerai 100 dollars. Je n’ai jamais été reçu avec tant d’enthousiasme. Les journaux n’ont rien fait que me louer avant la lecture et depuis. Ci-joint un des articles, le seul où se soit glissé un mot de désapprobation. Il est écrit par Daniel, l’homme avec qui j’ai eu une altercation quand j’étais ici, l’année dernière. J’ai reçu force invitations, dont j’ai décliné la plupart, faute d’avoir un habit. Aujourd’hui, ma sœur, Rosé et moi irons passer la soirée chez Elmira [Madame Shelton]. Hier soir je suis allé chez les Poitiaux ; la soirée précédente, chez les Strobia, où j’ai vu ma chère amie Elisa Lambert, la sœur du général Lambert. Elle était malade dans sa chambre, mais elle insista pour nous voir, et nous sommes restés près d’elle jusqu’à près d’une heure du matin. En un mot, je n’ai reçu que des amabilités depuis que je suis ici, et j’aurais été complètement heureux sans une terrible anxiété à votre sujet. Depuis qu’ils ont appris mon projet de mariage [avec Mme  Shelton], les McKenzie m’accablent de leurs attentions. Leur maison est si encombrée qu’ils ne peuvent me demander d’y demeurer. Et maintenant, ma précieuse Muddy, dès que je saurai quelque chose de définitif, je vous écrirai de nouveau et vous dirai ce qu’il y a à faire. Elmira parle d’aller visiter Fordham, mais je ne sais pas si cela se fera. Peut-être vaudrait-il mieux, pour vous, tout abandonner là-bas et venir ici par le bateau. Écrivez immédiatement et donnez-moi votre avis à ce sujet, car toujours vous savez mieux que personne ce qu’il convient de faire. Serons-nous plus heureux à Richmond où à Lowell ? car nous ne serions, je crois, jamais heureux à Fordham, et, Muddy, il faut que je sois quelque part où je puisse voir Annie. Mme  L[ewis] s’est-elle procuré la Western Quarterly

  1. Une partie de cette lettre d’Edgar Poe à sa belle-mère est déjà connue en France par la traduction qu’en a donnée M. Teodor de Wyzewa. Elle est, semble-t-il, la dernière lettre que l’on ait d’Edgar Poe. Peu de jours après l’avoir écrite, il quittait précipitamment Richmond, laissant en suspens son projet de mariage avec Mme  Shelton, et, le 7 octobre, à l’aube, des gens le ramassaient dans une rue de Baltimore pour le conduire à l’hôpital où il succombait au delirium tremens.