Page:La Revue blanche, t9, 1895.djvu/305

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Et les êtres des bataillons de discipline, les pieds-de-bancs, les tortionnaires vont continuer.

C’est la consigne.

La consigne plus consacrée, à présent, par une façon de jurisprudence.

Dans les sables du sud algérien, sous le ciel de métal brûlant, les petits chasseurs mauvaise-tête seront « soignés ». Sur les routes où ils cherchent des cailloux pour les casser, demain comme hier, les malheureux auront des haltes tragiques. Des képis zébrés de dorures s’inclineront vers de pauvres gars dont le corps en arc de cercle aura, sous l’insulte abjecte, quelques ultimes tressaillements.

Et si, trop lents à crever, les suppliciés demandent à boire — on leur bourrera la gorge avec des silex aigus. C’est la coutume. Respect aux us.

Avant de laisser sa chair pantelante à Biribi, on peut bien, avec les dents, casser encore un caillou…

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Les journaux les plus téméraires, ceux de périodique indignation et de relative naïveté demandent déjà des réformes.

Une s’impose :

Qu’on distribue des poires d’angoisse comme objet de petit équipement.

En attendant ce progrès incontestablement humain, tous ceux qui songent à là-bas ont, en frôlant la soldatesque, l’œil plus dur et le poing fermé…

L’esprit s’éveille.

Je sais une pauvre maman dont le gamin, pour des peccadilles, souffre et saigne aux plaines d’Oran. Des chefs l’ont pris en bonne note : ils ont promis de le « saler »…

Et je sais que la mère douloureuse, relisant pour la vingtième fois le récit du Petit Journal, le cœur angoissé, mais la main ferme, écrivit au fi lointain :

— Pars ! je t’en supplie… Si tu m’aimes.

Zo d’Axa