Aller au contenu

Page:La Revue bleue, 49e année, 1er semestre, 1911.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est avec le texte d’Aventinus qu’il mentionne leurs luttes et leur origine antique. Et il passe aux théologiens, citant la première phrase de l’Historia francica, plaçant Lanfranc archevêque en 1070 et Bruno ermite, vers 1082. Nous arrivons ainsi vers l’année 1068. Du Boulay met en 1075 le synode de Poitiers, qui condamne de nouveau Bérenger. Puis à l’année 1082, Du Boulay reporte, vers 1060, l’époque où fleurirent Lanfranc, Guy le Lombard, Manégold et Bruno de Reims ! Et il accepte Bérenger comme ayant été à Paris le maître de Bruno !

C’est en 1093 qu’il place le concile de Soissons et il en indique l’objet, ignorant la lettre de Jean à Anselme, mais paraphrasant celle d’Anselme à Foulques de Beauvais, qu’il donne ensuite : « Roscelin chef des nominalistes, chanoine de l’Église de Compiègne, trop confiant dans les arguties et les subtilités de son esprit, était accusé d’avoir enseigné beaucoup d’erreurs (plurimos errores). Surtout il affirmait que les trois personnes de la Trinité peuvent être dites trois choses distinctes et séparées, comme trois anges ou trois hommes et, avec cette distinction, il maintenait cependant que, des trois personnes, il y a une seule volonté, une seule et même puissance. Autrement on ne pourrait expliquer qu’il y ait trois personnes, que le Fils soit incarné plutôt que le Père ou le Saint-Esprit. Et Roscelin ajoutait que c’était la pensée de Lanfranc et d’Anselme. Il niait en outre que les fils de prêtres pussent être promus aux ordres. Et parce qu’il était à craindre que cette doctrine ne prît des forces, Rainaud, archevêque de Reims, tint un synode à Soissons, où était évêque Hugues de Pierrefonds. Foulques, évêque de Beauvais, y assista entre autres, ayant reçu une lettre d’Anselme qui craignait qu’on ne lui attribuât, à lui et à Lanfranc, la doctrine qu’exposait Roscelin dans ses écrits (in scriptis) et dans des réunions privées ».

Roscelin, dit ensuite du Boulay, fut interrogé dans ce concile ; il expliqua sa pensée et abjura son erreur. Peu de temps après, à la façon des hérétiques, il déclara qu’il n’avait abjuré que par crainte d’être lapidé et qu’il persistait dans son opinion. C’est alors qu’Anselme, pour prouver sa foi et confondre l’homme, écrit un Traité dédié à Urbain, au début duquel il condamne Roscelin comme hérétique et pensant des choses mauvaises (prava sentientem) ».

Roscelin, envoyé en exil par le concile (decreto synodi in exilium amandatus), se rendit en Angleterre : il eut des discussions fréquentes avec les maîtres d’Oxford et d’autres docteurs, il tourmenta Anselme (exagitavit) et excita des troubles, de sorte que le roi Guillaume le chassa honteusement.

Fr. Picavet.

(À suive.)

L’ÉTOILE

conte oriental


C’était dans les temps anciens, dans une contrée lointaine et inconnue.

Une nuit noire éternelle régnait sur le pays ; des brouillards méphitiques s’élevaient de la terre et se répandaient dans l’air. Les hommes naissaient, grandissaient, aimaient et mouraient dans les ténèbres humides. Parfois le souffle du vent dissipait les lourdes émanations de la terre et, du ciel éloigné, les étoiles lumineuses semblaient regarder les hommes.

C’était alors une fête générale : ceux qui d’ordinaire restaient dans la solitude de leurs demeures sombres comme des cavernes, se réunissaient sur la place pour chanter des hymnes au ciel.

Les pères montraient les étoiles à leurs enfants et leur enseignaient que la vie et le bonheur de l’homme est dans l’aspiration qui l’attire vers elles. Les jeunes hommes et les jeunes filles regardaient alors fixement le ciel et, de l’obscurité qui écrasait la terre, leurs âmes s’élançaient vers lui.

C’est aux étoiles que les prêtres adressaient leurs prières et les poètes leurs chansons. Les savants étudiaient le chemin des étoiles, leur nombre et leur grandeur. Or ils avaient fait une découverte importante : « Les étoiles se rapprochaient de la terre par une marche lente, mais ininterrompue. Ils avaient établi, d’après des sources indiscutables, que dix mille ans auparavant on aurait eu du mal à distinguer le sourire sur le visage d’un enfant à un pas et demi de distance, alors que maintenant chacun pouvait l’y distinguer aisément, même à trois pas. Ainsi il était hors de doute que, dans quelques millions d’années, le ciel resplendirait de lumières vives et que le règne de la clarté rayonnante éternelle arriverait sur la terre. Tous vivaient avec patience dans l’attente de cet heureux temps et mouraient dans cette espérance. »

Ainsi pendant de longues années la vie calme et tranquille des hommes s’écoula, réchauffée par une douce croyance dans les étoiles lointaines.

Or, une fois que les étoiles brillaient dans le ciel particulièrement claires, que l’âme de la foule s’élançait vers la clarté éternelle dans une vénération muette, une voix retentit tout à coup :

« Frères ! disait cette voix, comme il fait clair et merveilleux dans les hautes vallées du ciel ! Comme il fait humide et obscur chez nous ! Mon âme languit sans vie et sans désir dans ces ténèbres éternelles ! Que nous importe que la vie de notre postérité lointaine s’éclaire d’une lumière ininterrompue ?