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Page:La Revue bleue, tome 49, 1892.djvu/6

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avec ordre et logique, assure son développement d’une marche uniforme et sûre. Elle doit, depuis l’arrivée des recrues, régler l’éducation et l’instruction professionnelle du soldat d’abord et monter de proche en proche jusqu’à celle des grades supérieurs.

Aujourd’hui, d’un régiment à l’autre, on peut constater les plus grandes différences et les oppositions les plus tranchées. En réalité, il n’y a aucun travail d’ensemble ; autant de corps, autant de systèmes. Les règlements ont beau indiquer comme but général le développement de l’initiative, le travail et la vie de chaque gradé, chaque chef fait à son idée et ne tient souvent même aucun compte des droits et des attributions de ses inférieurs.

C’est là surtout que l’intervention de l’état-major général est indispensable, afin qu’une fois les volontés du ministre arrêtées, l’armée tout entière marche, avec suite et méthode, droit sur le but, réalisant chaque année les progrès reconnus nécessaires et réalisables, afin que tout écart soit rendu désormais impossible. Il s’agit, en un mot, de créer l’unité de travail et de doctrine dans l’armée.

III. — Substituer à la plus grande partie de ces exercices de cours de casernes et de places publiques, — dans lesquels les compagnies, les bataillons perdent leur temps et leur peine, — des manœuvres de certaine étendue où les troupes puissent apprendre à exécuter les mouvements d’ensemble, de façon que les régiments, que les brigades, etc., arrivent aux grandes manœuvres suffisamment exercés pour y jouer leur rôle dans les différents problèmes qu’ils ont à résoudre et que le commandement leur propose.

IV. — Enfin, fixer les règlements trop mobiles et instables depuis quelque temps. Les réduire au strict nécessaire, en faire disparaître toutes les complications et les inutilités ; en un mot, les mettre en concordance avec la brièveté actuelle du temps de service.

Les règlements une fois arrêtés et fixés, exiger absolument qu’on les connaisse, qu’on les respecte et interdire d’une façon absolue à tout officier, quel que soit son grade, d’y substituer ses idées personnelles.

Nous terminerons cette étude, déjà trop longue, en indiquant rapidement les moyens les plus essentiels à mettre à la disposition des troupes pour atteindre les buts principaux que nous venons d’énumérer :

1° Concentration progressive, au fur et à mesure du possible, des garnisons trop disséminées et réparties plutôt dans l’intérêt des revenus des villes que dans celui de l’instruction de l’armée. Suppression des détachements de bataillons isolés, dont l’instruction en vue du combat est impossible.

Le minimum des garnisons est d’un régiment, car l’étude de la moindre petite opération de guerre exige au moins trois bataillons. Nous savons bien que cette concentration ne peut se faire sans quelques dépenses, mais il n’y en a pas de plus utile ; et, nous le répétons, si tous les éléments de l’armée ne peuvent pas acquérir habileté et valeur militaire en vue de la bataille, toutes les autres dépenses seront en pure perte.

2° Chaque année, mise à la disposition des troupes, dans chaque corps d’armée, d’un terrain varié assez vaste pour exercer les régiments, les brigades, avec artillerie, cavalerie. Il existe en France quelques-uns de ces terrains d’instruction, mais ils sont beaucoup trop rares ; si on ne peut en acheter un par corps d’armée, il faut en louer ou donner des crédits suffisants pour indemniser la propriété des dégâts inévitables. Ces terrains doivent être assez étendus pour permettre tout d’abord l’exécution pratique des études de tir que nous demandons. Leur importance prime à nos yeux, pour le moment, toutes les autres questions relatives à l’instruction de l’armée.

***

UN MARIAGE SÉRIEUX

Nouvelle.

— Voudriez-vous me permettre, madame, de vous présenter mon jeune ami Castelnau ?

— L’ingénieur des ponts ?

— Précisément. Il a déjà eu l honneur de vous voir plusieurs fois, et il désirerait beaucoup venir chez vous. C’est un charmant gaïçon, et il est sorti le troisième de l’École.

M®° d’Hautevire réfléchit un instant, évidemment, des objections se présentaient à son esprit. Une nuance rose colora ses pommettes, et ses yeux semblèrent fuir le regard du général. Puis elle prit son parti et répondit avec un sourire gracieux :

— Puisque c’est vous qui le demandez, général, M. Castelnau sera le bienvenu.

Le général était à la veille de quitter Beancourt, où il venait de passer l’inspection ; il vit Castelnau, le soir méme.

— Cela n’a pas marché tout seul, dit-il. J’ai vu le moment où elle allait refuser. D’ailleurs, je m’y attendais, et si tu n’étais pas le fils d’un vieux camarade, je ne my serais pas risqué. Enfin c’est enlevé ; mais tu ne sais pas à quel point ou est entiché de castes dans ce pays. Veille sur ta langue, au moins, et ne va pas t’aviser de rien dire contre la religion ou les bonnes mœurs.

— Soyez tranquille, mon général.

— Ce n’est pas l’usage ici de recevoir les fonctions