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Page:La Revue de l'art ancien et moderne, Tome XXXI, Jan à Juin 1912.djvu/200

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émerge une grande ville pleine de monuments. Bosch est un paysagiste de race – il l’a déjà prouvé dans la Marche au Calvaire de l’Escurial – et son paysage offre un caractère tout particulier de rusticité panoramique. Il déborde, ici, sur les deux volets, où prient, les genoux à terre, le Donateur et la Donatrice, sous les auspices de leurs patrons saint Pierre et sainte Agnès (?). Aucune composition de Bosch n’est ni plus pondérée, ni mieux peinte, ni plus originalement digne de son objet[1]. En l’église d’Anderlecht, M. Hulin a, le premier, signalé une Adoration des rois tout autre, de la main de Hieronymus. Elle est fort belle, quoique, partiellement, très repeinte. Le musée de Vienne expose encore du maître de Bois-le-Duc une scène légendaire, le Martyre de sainte Julie, crucifiée en vêtements de princesse, devant une assemblée dont plusieurs des personnages caractéristiques nous sont familiers. Le lecteur peut, dès maintenant, se rendre compte de la richesse de ce répertoire, autant que de sa singularité.


II. Sujets diaboliques ou fantastiques


La seconde catégorie des tableaux de Bosch comprend ses fantasmagories religieuses, généralement appelées « diableries ». On sait par la notice de van Mander et les vers latins de Lampsonius joints au portrait gravé du peintre que les amateurs du temps de l’humaniste considéraient surtout Hieronymus comme l’évocateur des démons et spectres volants de l’Érèbe, des demeures du Tartare (tartaræ domi) et des profondeurs de l’Averne (simus imus Averni) – autrement dit du monde des fantômes. Cette phraséologie classique, si mal appropriée aux moins classiques des conceptions, prête une importance excessive à l’une des branches de l’art d’un producteur fécond, au détriment des autres branches. Mais elle ne doit pas induire, par réaction, à en ravaler l’intérêt, d’autant plus que l’artiste mêle à ses chimères nombre d’éléments réels.

  1. Cette Adoration des Mages, no 1175 du cat. du Prado (1904) est de forme cintrée. H. 1 m. 33, L. du panneau central, 0 m. 71. – Elle provient de l’Escurial. Elle passe pour avoir été commandée à l’artiste par la famille hollandaisevan Schryver et pour être restée jusqu’en 1629 en la cathédrale de Bois-le-Duc. Elle a fait partie de la collection de Philippe IV. On en connaît des copies anciennes aux musées de Saint-Omer, d’Avignon et d’Amsterdam.