Page:La Revue de l'art ancien et moderne, Tome XXXI, Jan à Juin 1912.djvu/319

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d’osier tressé, pour les besoins de ses passe-passe, en forme de gourde et d’où émerge la tête d’une chouette, appelée, sans doute, tout à l’heure à surprendre les badauds. Un caniche savant, burlesquement harnaché, se dissimule à ses pieds, prêt à bondir au premier signe et à travers le cerceau posé, là, sur le sol. De la main droite, le jongleur, debout, tient expertement l’une de ses billes qu’il montre à tous avant de la faire « s’envoler ». En face de lui, de l’autre côté de la table carrée, se courbe profondément le « sot » de la farce retracée par Bosch, en train de vomir des grenouilles, emblèmes de sa sottise. Vêtu de rouge et de blanc, il porte au flanc sa clef et sa bourse, que, naturellement, il néglige de surveiller. Un jeune filou, planté tout droit à son revers, la tête levée, les yeux perdus dans le vide, comme ne songeant à rien, tire à lui délicatement son escarcelle et, sans broncher, la lui dérobe. En l’ombre du vomisseur de grenouilles, un enfant, oublieux de son moulinet monté au bout d’un bâton, s’inquiète des bizarres hoquets de l’imbécile hypnotisé par le baladin. Sept spectateurs se serrent au second plan : un barbon au masque de pleine lune sous son chapeau large et son vaste manteau vert ; un jeune homme au bonnet conique, plein de componction ; une nonne en guimpe blanche et voile noir ; deux bourgeois paisibles ; un amoureux enlaçant sa bien-aimée. Ces gens, à l’exception du gros homme enchaperonné, aux traits noyés de graisse et qui se rengorge en sa béatitude prudente, sont aussi sérieux qu’ils le seraient à l’église. S’ils allaient, à leur tour, voir tomber soudain de leur bouche on ne sait quels têtards ! Nulle exagération bouffonne, sauf en ce qui concerne le jongleur, d’ailleurs finement narquois ; le « sot », comiquement voûté, la tête renversée, les lèvres ouvertes, avec une silhouette de sphinx ; le tirelaine au nez en l’air (tous trois protagonistes de la sotie) et le plantureux citadin que nous avons dit. Encore la moquerie graphique est-elle très relative et sans déformation caricaturante. En elle-même, la mise en scène fait penser à ce que pouvait être, au commencement du xvie siècle, la représentation de ces parades par les compagnons « rhétoriciens ». Les figures du fond sont rendues à peu près sans perspective, tassées à plaisir, de physionomies assez générales, caractérisées d’ensemble et non fouillées en portraits. Seulement, les trois acteurs principaux dégagent d’une vivacité toute scénique le sens du proverbe ; puis les comparses