Page:La Revue de l'art ancien et moderne, Tome XXXI, Jan à Juin 1912.djvu/328

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dans les Passions. Nous avons cru devoir insister, en son lieu, sur l’attitude du Pharisien se baissant, avec d’insidieuses paroles, vers un homme qui aide le Rédempteur à porter sa croix. Il semble bien qu’on y puisse reconnaître une véritable indication scénique. On constate, assurément, dans ce tableau, la propension de Bosch à la singularité des types, mais sans cette furie de verve plébéienne si flagrante en ses ouvrages tardifs. Au contraire, c’est là ce qui caractérise au plus haut degré la peinture du musée gantois. Plus de fond défini, plus d’ordonnance rigoureuse, plus de perspective. La surface disponible est, pour ainsi dire, entièrement couverte à tous les plans de têtes d’expression d’une violence qui ne recule devant aucune hardiesse de structure ou de mimique. L’artiste ne se plaît, désormais, qu’à condenser le sens d’une scène en des physionomies d’acteurs su étrangement, si populairement soulignées que les simples mêmes en aient l’imagination saisie. Une fois de plus nous surprenons l’aboutissement de cet art. L’œuvre du Prado doit être de la période moyenne du développement de Hieronymus. L’œuvre du musée de Gand est de la période finale.

À l’égard des Diableries et des Moralités fantastiques, toute base chronologique nous est refusée. Il est à croire que l’artiste s’est essayé de bonne heure aux fantasmagories, car nul ne peut admettre que son grand Jugement dernier, achevé en 1504 pour Philippe le Beau, ait été son premier coup d’essai en ce genre. Les procès en sorcellerie et les rigoureux anathèmes de l’Église contre les sorciers au cours du xve siècle et, surtout, vers sa fin nous ouvrent sur ces productions voulues satiriques, voire terrifiantes, des jours presque déconcertants. Suivant la plus naturelle hypothèse, les planches où les graveurs s’étaient déjà fait un jeu de prodiguer les monstres tirés des « Enfers » des anciens triptyques du Jugement universel ont fourni à Bosch ses premiers modèles, mais les interventions épisodiques des diables dans les Mystères et les thèmes des mascarades et autres réjouissances du peuple, riches en intermèdes, lui ont permis de les amplifier et de les transformer. D’autre part, les paysages visionnaires créés par Bosch, notamment autour de son saint Antoine en proie aux assauts des démons, les invraisemblables rochers dont ils s’encombrent et les détails d’un pittoresque hallucinant dont ils fourmillent ne sont guère d’un goût antérieur au xvie siècle. Les prochaines