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avant de peindre le corps… Le tableau de M. Delaroche n’a que peu d’égaux, avant comme après lui. Nous nous réjouissons de lui ouvrir les portes de notre « Royal Academy », car il instruira plus d’un artiste anglais. Puissent nos peintres se vanter de l’avoir étudié, et puisse cette étude leur profiter !

Nous regrettons infiniment que cet œuvre n’ait pas été placée, non seulement d’après son mérite, mais encore avec les égards dus au grand peintre français par les artistes anglais. Elle avait droit à la place d’honneur dans la salle principale qui lui aurait été certainement assignée si l’on n’avait fait appel qu’aux sentiments désintéressés du jury[1]. »

Libre à nous de sourire à présente de l’exaltation du critique anglais de 1844. Il n’en reste pas moins que la Vierge à la vigne l’avait frappé avec une force singulière et qu’il avait été touché par les sentiments qui s’y exprimaient. Peut être savait-il que la douce Madone n’était autre que la propre femme de l’artiste et que l’Enfant était son fils. C’est avec tout l’amour qu’il éprouvait pour elle que Delaroche avait peint la belle, sage et spirituelle fille d’Horace Vernet.

Sans doute fut-ce une émotion pareille à celle de Samuel Carter-Hall qui détermina M. Thomas Baring à acquérir la Vierge à la vigne à l’exposition de la « Royal Academy » pour le prix de 10.000 francs — prix considérable pour une peinture moderne de dimensions relativement petites[2].

M. Thomas Baring était le second fils de Sir Thomas Baring et le frère de Francis Thornhill Baring, premier Lord Northbrook. Quand il mourut, en 1873, il légua à son neveu Lord Northbrook toute sa collection de tableaux anciens des maîtres hollandais et flamands, ainsi que ses tableaux modernes hollandais, flamands, français et anglais (il ne possédait aucune peinture italienne ou espagnole).

Or, à la mort de Sir Thomas Baring, en 1848, sa magnifique collection de tableaux anciens avait été vendue, conformément à ses dispositions testamentaires, et toutes les peintures italiennes et espagnoles en avaient été rachetées, après l’inventaire, par M. Baring, son fils, de sorte que c’est

  1. The Art Union, juin 1844. p. 160
  2. La toile ne mesure en effet que 1 m. 22 sur 76 cent. Elle est signée à gauche : Delaroche. Elle a été gravée par Jesi.