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LETTRES INTIMES

[I]


À Madame Dora Adelphi
Hôtel des Étrangers
rue Philhellène, à Athènes

Ma chérie, tu voudrais savoir ce qui se passe à Paris ? Mais crois-tu donc qu’on peut en vingt mots exposer des choses aussi grouillantes et complexes que celles de notre Capitale ? Ce qui advient en Grèce peut, et put, toujours se dire en deux vers de Philodème ou de Straton, mais, pour Paris, il faut un poème épique.

Enfin tu vas savoir quelques petites histoires fragmentaires. Avec cela, suis les principes de Cuvier et, comme cet estimable savant faisait l’image parfaite et intégrale d’un monstre dont on lui remettait juste une dent canine, tu reconstitueras toute la Babel de l’Île-de-France avec mes petits aperçus. D’abord, sache que trois dangers nous menacent : Primo : la Révolution ; secundo : le déluge ; tertio : un cyclone… (Il paraît qu’il sera un peu là…) La Révolution est dans nos murs, cela je puis te l’affirmer. J’ai une amie qui jouit de la protection d’un industriel New-Yorkais. Celui-même, si tu te souviens, qui détient les magasins au coin de Broadway et de la 58e Rue. Hier elle a reçu de son mâcheur-de-gomme un câble lui intimant ordre de partir illico. Le Yank disait à peu près ceci : « Quoique vous n’en disiez rien, je suis informé que la Révolution a commencé