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Page:La Revue du Mois, tome 0, 1905.djvu/11

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LE HAUT COMMANDEMENT DANS L’ARMÉE FRANÇAISE

Avons-nous au moins l’espoir que l’avenir apportera du changement à cette situation ? Nous ne pensons pas que cela soit possible, en l’état actuel de notre organisation.

Nous avons fait un premier pas dans la voie du progrès en créant l’École supérieure de guerre, mais, fidèles en cela à nos errements habituels, nous nous sommes arrêtés dans le bon chemin : nous avons considéré que le diplôme, le brevet obtenu à trente ans, devait consacrer la supériorité — d’ailleurs réelle, mais momentanée — de son détenteur jusqu’à l’âge le plus reculé.

En fait, nous avons fondé, nous n’avons rien édifié.

Lorsque l’élève de l’École supérieure de guerre a vu se refermer sur lui les portes de l’institution, il reste entièrement livré à lui-même.

Une besogne fastidieuse et paperassière, concernant presque exclusivement les affaires du temps de paix, l’accueille dans les états-majors.

De la préparation à la guerre, des études ardemment poursuivies pendant deux années, il n’est plus guère question pour lui.

Si, non content du labeur déprimant auquel l’astreignent ses fonctions quotidiennes, il a le courage de lutter encore et de travailler, pour son propre compte, les questions qui, naguère à l’École, ont passionné sa vie, c’est, en tout cas, sans direction et souvent sans encouragements.

Après quelques années de ce régime, les beaux travaux historiques ou tactiques d’autrefois sont abandonnés car ils ne servent pas aujourd’hui pour apprécier la valeur d’un officier d’état-major.

Aussi les réflexes qui s’éveillaient s’endorment-ils de nouveau et la tâche journalière, combinée avec le temps, accomplit-elle son œuvre de destruction.

Il serait injuste de nier les efforts tentés pour remédier à cette situation : quelques lutteurs, au caractère bien trempé, persistent dans la bonne voie malgré les obstacles rencontrés sur le chemin et réussissent à faire des adeptes : des instructions ministérielles préconisent les exercices sur la carte et sur le terrain, base de l’instruction guerrière, mais le service de chancellerie est tellement envahissant, ses exigences croissent dans une telle proportion, que les courageux sont rares, que