Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
LA REVUE DU MOIS

nir, comment il s’est servi, pour se défendre, des armes qu’il avait déjà et a su les adapter à de nouveaux usages. Les facultés qui se sont développées ont peut-être toujours dépassé infiniment les circonstances qui leur ont permis de se produire et de durer. À chaque moment de leur développement, se préparaient des adaptations infiniment lointaines. J’imagine que nos ancêtres ont toujours pu beaucoup plus qu’ils n’ont réalisé, que nous pouvons nous-même beaucoup plus que nous ne faisons. Nous sommes des paresseux, des endormis, des timides, des tièdes ; nous ne savons pas découvrir au fond de nous le trésor des énergies futures. Il y aurait toute une morale… ; mais ce n’est pas de morale qu’il s’agit, revenons à la logique.

Peut-être une objection vous passe-t-elle par l’esprit et pensez-vous m’attaquer sur cette évidence absolue que j’attribue aux déductions logiques ? Il n’y a rien d’absolu, direz-vous ; notre logique n’est que notre logique, à nous. D’accord ; mais vous vous refuserez comme moi à discourir sur une pensée où l’implication des propositions ne serait pas pareille à ce qu’elle est dans la nôtre ; toute discussion là-dessus est évidemment très vaine : il va sans dire que nous pensons avec notre pensée et cette évidence absolue dont il a été question ne regarde qu’elle. Je vous ai assez parlé de choses que je n’entends point ; je n’irai pas jusqu’à disserter sur une pensée qui n’aurait rien de commun avec la mienne ; il faut, pour m’amuser, que je m’imagine comprendre un peu au moins une partie de ce que j’écris.

Au reste, je vais essayer d’aller un peu plus loin et de m’expliquer sur cette nécessité que nous ne pouvons nous empêcher d’attribuer aux déductions logiques. J’aurai, en même temps, l’occasion de m’arrêter sur la différence que je crois apercevoir entre la façon dont est sentie la nécessité par ceux qui sont surtout habitués aux raisonnements mathématiques et par ceux qui ont surtout l’habitude des méthodes expérimentales.

En parlant de la nécessité des déductions logiques, je n’entends proprement que la nécessité que nous attribuons aux affirmations telles que celle-ci : la proposition A entraîne la proposition B ; si la proposition A est vraie, la proposition B est vraie aussi, je n’entends pas parler de la vérité de la proposition A, en elle-même ; c’est dans l’implication seule qu’est la nécessité, non dans l’une des propositions.