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LA REVUE DU MOIS

n’eussiez publié cinq mois auparavant dans votre Imprimé de la Lune le gryphe de votre Système Saturnien, il me répondit qu’il voyait bien par votre exposition que vous n’aviez rien emprunté de lui ; mais qu’encore qu’il estimât beaucoup votre pensée comme fort ingénieuse et fort juste il croyait pourtant la sienne expliquée dans ma précédente plus approchante de la vérité, pour ce qu’il n’y avait rien que de naturel au lieu que la vôtre était une machine toute d’art[1] et dont il n’y avait aucune image dans la Constitution du Monde. J’avais oublié à vous dire dans ma précédente qu’il maintenait que cette élévation de vapeurs dans la Zone torride de Saturne et renfermée dans cette Zone comme les taches du Soleil dans la Torride du Soleil était effet nécessaire en cette Zone à l’exclusion des autres Zones, par les un principes de la Mécanique[2] qui ne le peuvent souffrir autrement. Vous en jugerez…

Et ce récit détaillé fait une grande impression de satisfaction sur Huygens, qui y répond le 6 juin :

Il m’a semblé quasi en lisant votre récit que j’étais présent dans cette Illustre assemblée, et j’ai senti quelque émotion en y remarquant ces cordons bleus avec tant d’autres personnes de condition et de savoir…

Après quoi il développe une intéressante critique de l’hypothèse de de Roberval. Ici, bien entendu, nous devons laisser de côté toute la correspondance avec les redites et explications incessantes qu’Huygens donne à ses correspondants avant de faire définitivement imprimer son système ; des échanges nombreux et étendus se créent avec P. Petit[3] ; Wallis revient sur la forme à deux anses débordantes que nous avons signalée ; ses amis le pressent de publier, enfin il écrit une lettre sur ses élucubrations à Léopold de Médicis (5 juillet 1659), qui fut

  1. Tel est, en effet, la critique essentielle aux idées de Huygens — trop de nouveauté. On se demande « comment cet anneau peut être une production naturelle bien qu’il paraissent une imagination de l’Art ».
  2. Nous n’avons malheureusement pas de détails sur cette théorie mécanique : et la chose est fort regrettable, car il se peut très bien que de Roberval ait fait ici un raisonnement analogue à ceux que l’on applique aujourd’hui à la zone équatoriale en météorologie.
  3. Pierre Petit naquit le 31 décembre 1598 à Montluçon et mourut le 20 août 1677 à Lagny-sur-Marne. Après la mort de son père, en 1633, il vint à Paris et devint ingénieur, conseiller et géographe du Roi, puis intendant général des fortifications. Dans les démêlés que Descartes eut avec Fermat et autres, Petit prit le parti du premier : il était très lié avec Pascal, et s’ingéniait à inventer des machines pour divers buts.