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Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/248

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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

toujours assez d’oxygène, de carbonate ou de phosphate dissous, voire de silice, et nul n’attribue les déplacements réguliers du maquereau ou du hareng aux variations de ces éléments. Si l’on connait mal la synthèse des substances azotées non figurées qui sont le premier stade d’intégration des aliments, il semble pourtant que ces substances soient en quantité suffisante pour assurer partout le développement du plankton.

De tout ceci nous conclurons qu’il est vain de traiter la pêche comme un problème mathématique. Sans doute on peut trouver le lieu du poisson théorique astreint à se mouvoir dans la surface isotherme de 12° et dans la surface isohalyne de 35 p. 1000 tout en restant à l’intérieur d’une zone déterminée ; mais ce poisson n’a pas de nom ni de valeur sur le marché. Les vrais poissons dépendent moins étroitement d’une condition physique ou même d’un ensemble de conditions physiques et dans leurs déplacements l’impulsion héréditaire a plus de force que les contingences du moment[1].

Il est important d’en pénétrer les raisons profondes, car elles sont l’antithèse de l’opinion commune. Cette impulsion héréditaire, qui n’a rien de mystérieux, n’est autre chose que l’adaptation de la race à son milieu, et nous en tirons immédiatement cette double conclusion :

La race est adaptée surtout aux conditions moyennes ou normales de son habitat[2], qui constituent son optimum :

Mais elle est adaptée aussi aux variations habituelles de ces conditions, et c’est ce qui la rend eurytherme, euryhalyne, etc.

L’adaptation aux conditions moyennes détermine profondément ce qu’il y a de fixe et de permanent dans le cycle : l’itinéraire général, le but, les grandes étapes, les habitudes essentielles. Elle est si parfaite qu’on ne la perçoit plus, qu’on ne distingue plus la correspondance des causes et des effets : on ne saurait dire par exemple s’il y a eu adaptation aux circonstances rencontrées le long d’une route prédestinée, ou si c’est

  1. La méthode esquissée ne pourrait avoir un intérêt de première approximation que dans les régions inconnues des pêcheurs, là où l’on ne sait rien encore des habitudes du poisson ; et par exemple la recherche du thon dans l’Atlantique ou la pêche des côtes d’Afrique pourraient être au besoin précédées d’une enquête océanographique.
  2. Nous entendons qu’elle est adaptée à la succession des circonstances locales, saisonnières ou autres, qu’elle rencontre le long de son itinéraire.