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L’ÉVOLUTION DU PROTECTIONNISME

Un amendement de M. Vaillant tendant à réserver les compensations d’armement aux seuls armateurs qui se soumettraient à toute une série de mesures fort minutieuses visant l’organisation du travail à bord.

Un amendement de M. Cadenat tendant à réserver les primes à la construction aux seuls constructeurs qui auront réduit à huit heures la journée de travail.

Un amendement de M. Louis Martin réglant l’admission des ouvriers étrangers dans les chantiers.

Et j’en oublie… Protectionnisme et collectivisme sont, on le voit, dans le même sillage.

D’ailleurs, si l’école n’était pas là pour dégager des lois protectionnistes leurs corollaires collectivistes, les événements eux-mêmes se chargeraient assez tôt de cette besogne ; dès que le marché national se ferme, les producteurs, désormais à l’abri de la concurrence étrangère, s’entendent comme larrons en foire pour rançonner le consommateur : nulle part cette entente n’est plus complète et plus impressionnante qu’aux États-Unis, et nous avons montré par des exemples, dans notre étude sur les trusts, comment ceux-ci font payer au consommateur américain le prix de la concurrence qu’ils ont à soutenir sur les marchés étrangers. Toute la philosophie du trust tient dans la division du monde en deux parts : le marché intérieur, gardé par sa muraille de Chine à l’abri de laquelle on est assuré de piller en paix le compatriote, et les marchés extérieurs, où la vie est plus exigeante, les affaires plus difficiles, et pour lesquels on réserve les prix de faveur, comme fait le directeur de théâtre avec la critique…

Que le consommateur sanctionne longtemps cette merveilleuse politique de son bulletin de vote, qu’il reste l’éternel « battu content », c’est un objet de surprise et de tristesse pour les philosophes qui voudraient garder une haute opinion du suffrage universel ; mais il n’est si bel illogisme qui ne finisse par éclater quand une industrie nationale arrive, par le jeu des tarifs, à se concentrer dans un petit nombre de mains, quand un monopole de fait a pu se créer au profit de quelques habiles, le monopole d’État n’est pas loin ; le voilà qui s’avance, menaçant ; n’a-t-il pas, dans ces conditions spéciales, toutes les apparences du bon sens et de l’équité ? monopole pour monopole, disent les collectivistes, le nôtre ne vaut-il pas mieux ? Com-