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Page:La Revue socialiste - 1897 semestre 2.djvu/198

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tageux le bénéfice donné aux consommateurs. Dans la cité socialiste, au contraire, il suffira, quand on fera pour un métier de telles inventions, de réduire sans à-coup le nombre des travailleurs intéressés, soit en faisant moins d’apprentis de ce métier-là, soit en donnant à certains de ces travailleurs le temps d’apprendre un nouveau métier ; en attendant, d’ailleurs, que les mesures prises aient leur plein effet, on en sera quitte pour diminuer le nombre des heures où travailleront les ouvriers de ce métier, ce qui ne sera pour personne un malheur dans la cité.

Ainsi constituée, la cité socialiste sera parfaite en ce qu’elle sera socialiste. En ce qu’elle sera une cité humaine il se pourra qu’elle soit imparfaite encore. Mais elle sera la moins imparfaite possible des cités humaines possibles, en ce sens que toutes les difficultés, toutes les souffrances y seront au pis-aller égales à ce qu’il faut qu’elles soient dans toute société individualiste. Soient les difficultés, par exemple, qui tiennent au choix du métier et à la paresse :

« Comment pourrez-vous », nous dira-t-on, « assurer dans la cité socialiste le service des métiers les plus pénibles, ou les plus ennuyeux, en un mot des métiers « sacrifiés » ? »

Remarquons d’abord qu’à mesure que le machinisme ira croissant les métiers se ressembleront de plus en plus et qu’il y aura de moins en moins des métiers « sacrifiés ». Remarquons ensuite que dans la cité socialiste on pourra toujours compenser par des avantages de durée ce que les métiers sacrifiés auraient encore de pénible ou d’ennuyeux. Et enfin, si, malgré cette compensation, les travailleurs volontaires désertaient certains métiers, il suffira, pour assurer le service de ces métiers, d’en faire un « service commandé », obligatoire, universel et personnel. — « Mais », dira-t-on, « c’est là de la contrainte ! » — Sans doute, c’est là de la contrainte, mais c’est une contrainte juste et officielle. Tandis que dans la société présente sévit une contrainte universelle, d’autant plus redoutable qu’elle est à la fois injuste et sournoise : injuste en ce qu’elle ne s’exerce pas également sur tous les citoyens ; sournoise, car on ne veut pas avouer que l’on contraint certains citoyens à faire certains métiers, mais on est bien content que la misère générale soit telle qu’il y ait des citoyens qui tombent si bas que de remonter jusqu’à ces métiers-là justement leur paraisse un bonheur. Et c’est sur cela que repose toute la société présente. Pour ne pas vouloir faire de certains métiers, de certaines fonctions sociales, de certains services des services commandés, on gaspille de la souffrance humaine : au lieu de faire descendre les tra-