Page:La Revue socialiste - 1897 semestre 2.djvu/275

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non encore déchiffré complètement, après l’écriture, nous nous trouvons en face de légendes, de prêtres, de mystères, de livres sacrés, de conquérants, de rois et d’esclaves. Derrière tout cela, des siècles sans nombre et sans vestiges ont passé, pleins de générations inconnues. Le fait le plus constant et le plus caractéristique, relaté comme origine des peuples dont l’histoire va se dérouler, est l’arrivée sur telle côte d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, d’une nef commandée par un fils de roi et chargée d’émigrants armés, qui envahissent la contrée, en chassent les indigènes, se partagent les terres, et fondent un nouveau royaume, ou tel port, ou telle ville, plus tard florissants. Ou bien, la descente dans telles plaines d’une troupe de brigands armés, qui occupent les terres des autochtones, et leur enlèvent leurs femmes, après avoir construit en pisé, à toits de chaume, une bourgade, qui pendant un millénaire deviendra la capitale du monde. Elle débute, l’histoire, par des combats, des rapts, des égorge- ments et des violences, et continue par des violences, des vols, des égorgements et des combats ; luttes constantes, au dedans ou au dehors de la cité, de l’homme contre l’homme. Tour à tour, les conquérants — nom héroïque des brigands à main armée — extermi- nent et sont exterminés, dépouillent et sont dépouillés, écrasent et sont écrasés. Le bagage de la gloire est fait de morts et de ruines. Et parmi ces destinées humaines et ces hauts faits, dont l’homme va parlant avec emphase, qu’il célèbre avec orgueil, ce qu’il y a de plus incontestable est la désolation de la race humaine. La guerre a-t-elle cessé de nos jours, après huit ou dix mille ans de carnages ? Elle s’est agrandie et perfectionnée. Plus que jamais, elle couvre la terre de ruines et de sang humain. Et, dans les intervalles de paix qui séparent ses fureurs, elle affame, par ses prépa- ratifs de destruction, les peuples que plus tard elle décimera. La tyrannie a-t-elle cessé ? Une moitié de l’humanité, celle qui enfante et nourrit l’humanité future, est encore sous le joug de l’autre, d’abord. Et quant à l’ensemble, échelonné en hiérarchie, cha- cun des êtres qui le composent présente deux faces également anti- humaines, celles de maître et de serviteur. L’enfant est toujours serf jusqu’à sa majorité, et bien souvent au delà. La famille est générale- ment un contrat financier recouvert d’hypocrisie, trop souvent plein de discorde et de haine, où chacun, en ce qui touche sa liberté et son bien-être, est intéressé à la mort des siens ! Une intelligente division du travail et de la propriété fait deux parts des humains : l’une très petite, qui ne fait rien et possède tout ; l’autre, fort nombreuse, qui ne possède rien, et fait tous les travaux nécessaires pour entretenir les loisirs des premiers et leur procurer une vie voluptueuse. Quant aux -