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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/359

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MAXIMES POSTHUMES


DV

Dieu a mis des talents différents dans l’homme, comme il a planté des arbres différents dans la nature, en sorte que chaque talent, ainsi que chaque arbre, a sa propriété et son effet qui lui sont particuliers[1]. De là vient que le poirier le meilleur du monde ne sauroit porter les pommes les plus communes, et que le talent le plus excellent ne sauroit produire les mêmes effets du talent le plus commun ; de là aussi vient qu’il est aussi ridicule de vouloir faire des sentences, sans en avoir la graine en soi[2], que de vouloir qu’un parterre produise des tulipes, quoiqu’on n’y ait point semé d’oignons[3].

DVI

On ne sauroit compter toutes les espèces de vanité.

  1. « Qui leur sont particuliers. » (Édition de M. de Barthélemy.) — Cette maxime n’est que le développement de la 594e, que la première phrase répète.
  2. C’est vers le même temps, sans doute, qu’à propos de quelques beaux esprits de province, l’auteur écrivait de Vertœil (le 5 décembre 1662) à Mme de Sablé : « Je ne sais si vous avez remarqué que l’envie de faire des sentences se gagne comme le rhume : il y a ici des disciples de M. de Balzac qui en ont eu le vent, et qui ne veulent plus faire autre chose. »
  3. Cette maxime se trouve dans l’édition d’Amelot de la Houssaye (voyez ci-dessus la Notice, p. 221), avec ces différences : « … comme il a planté de différents arbres… chaque talent, de même que chaque arbre, a ses propriétés et ses effets… ne sauroit porter des pommes… les mêmes effets des talents les plus communs ; de là vient encore… de vouloir faire des semences (sic) sans avoir la graine en soi… des tulipes, quand on n’a pas planté les oignons. »