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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/488

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RÉFLEXIONS DIVERSES

une pièce à donner une grande réputation à sa plume. Je sais bien au moins que le libraire[1] s’est imaginé qu’elle portoit malheur à son livre, et je me souviens qu’en l’achetant, il me fit remarquer, comme une circonstance de la bonté du volume, que la préface n’y étoit plus. » Ainsi, conclut Walckenaer, le Discours sur les Maximes de la Rochefoucauld est de la Chapelle, et non de Segrais. »

Peut-être se prononce-t-il un peu trop vite, sur une seule information, qu’il ne confirme par aucune autre preuve ; cependant, si l’on se rappelle que la mode était de tout attribuer à Segrais, même Zaïde, et la Princesse de Clèves ; si l’on considère qu’on ne retrouve nulle part l’origine de l’attribution qui lui est faite de ce Discours ; si l’on remarque que la Rochefoucauld a, en effet, supprimé assez, dédaigneusement cette apologie, comme il l’appelle[2], et qu’il n’eût pas traité avec si peu de façon un homme aussi considérable que l’était Segrais, un homme qui était d’ailleurs son ami, aussi bien que l’ami de Mme de la Fayette, et qui ne cessa pas de l’être, même après la suppression de cette pièce ; si l’on remarque en outre que telle était alors la réputation de cet écrivain, qu’un écrit de sa main ne pouvait être soupçonné de porter malheur à un livre ; si l’on remarque enfin que ce morceau, pour n’être pas sans mérite, est cependant bourré de citations trop pédantes[3], même pour Segrais, il faut avouer que le témoignage de Gueret mérite déjà quelque considération.

D’un autre côté, en tenant compte des dates, il ne paraît guère possible que Segrais fût l’auteur du travail dont il est question. Bien que la 1re édition, à laquelle il était destiné, n’ait paru qu’en 1665, l’Achevé d’imprimer est à la date du 27 octobre 1664, et le Permis remonte au 14 janvier de la même année[4]. Il y a donc grande apparence que le Discours fut écrit dans la première moitié de l’année 1664 ; or Segrais partageait alors l’exil de Mademoiselle de Montpensier, en province, à Saint-Fargeau, d’où il ne revint avec elle que vers la seconde quinzaine de juin[5], alors que l’ouvrage devait être déjà sous presse. Sans doute, il ne serait pas absolument impossible que, de juin à


    date : « Les Maximes de l’abbé J. Esprit ayant paru en 1669, c’est vers ce temps que fut composé cet écrit de Gueret. » Il y a là une double erreur. Le livre de J. Esprit n’a paru qu’en 1678, la même année que l’édition définitive des Maximes de la Rochefoucauld, et que les Maximes de Mme de Sablé ; puis, en 1669, l’un des deux la Chapelle, né, comme on le verra plus loin, en 1655, ne pouvait encore, si précoce qu’on le suppose, mériter, à l’âge de quatorze ans, le titre de bel esprit que Gueret lui décerne.

  1. Claude Barbin.
  2. Voyez, ci-dessus, la 3e note de la page 29 et la 1re note de la page 30.
  3. La plupart de ces citations sont d’ailleurs inexactes, comme on le verra dans les notes.
  4. Voyez, à la fin de l’édition de 1665, l’Extrait du privilège du Roi.
  5. Pour tout ce qui concerne Segrais, on peut consulter une consciencieuse étude sur sa Vie et ses Œuvres, par M. Bredif, un volume in-8o, Paris, Auguste Durand, 1863.