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SUR LA ROCHEFOUCAULD

foucauld de cette époque, dans son opuscule intitulé : Conversation avec M. de Candale, conversation qui est supposée tenue en 1650, mais qui ne fut en réalité rédigée que de 1655 à 1668 : « La prison de Monsieur le Prince a fait sortir de la cour une personne considérable que j’honore infiniment ; c’est M. de la Rochefoucauld, que son courage et sa conduite feront voir capable de toutes les choses où il veut entrer. Il va trouver de la réputation où il trouvera peu d’intérêt, et sa mauvaise fortune fera paroître un mérite à tout le monde, que la retenue de son humeur ne laissoit connoître qu’aux plus délicats. En quelque fâcheuse condition où sa destinée le réduise, vous le verrez également éloigné de la foiblesse et de la fausse fermeté ; se possédant sans crainte dans l’état le plus dangereux, mais ne s’opiniâtrant pas dans une affaire ruineuse, par l’aigreur d’un ressentiment, ou par quelque fierté mal entendue. Dans la vie ordinaire, son commerce est honnête, sa conversation juste et polie. Tout ce qu’il dit est bien pensé, et, dans ce qu’il écrit, la facilité de l’expression égale la netteté de la pensée[1]. »

Une fois dans la capitale de la Guyenne[2], la Rochefoucauld y déploie une énergie guerrière qu’il est impossible de méconnaître. Dans cette période il est avant tout soldat ; car la direction générale des affaires appartient au frère aîné de Turenne, un des politiques les plus capables de son temps. Malheureusement la défense de la ville était entravée par les cabales et les dissensions du peuple et du parlement ; puis on manquait d’argent, et cette détresse pécuniaire demeura le mal chronique de la Fronde. La princesse de Condé, retirée, elle aussi, à Bordeaux, ne donna d’abord que vingt mille francs, encore le fit-elle de mauvaise grâce et après toutes sortes

  1. Œuvres mêlées de Saint-Évremond, tome II, p. 186 et 187 (édition de M. Ch. Giraud, Paris, 1866).
  2. Sur toute cette partie de la Fronde, voyez les Mémoires de Lenet (p. 276-421), et notamment, pour le rôle de la Rochefoucauld, les pages 276, 277, 291, 295, 312, 313, 334, 335, 337, 346, 351, 353, 357, 358, 403, 406-409, 411-417, 421 ; voyez aussi Mme de Motteville, tome III, p. 188 et suivantes, et p. 227-231 ; Mademoiselle de Montpensier, tome I, p. 251, 259 ; Retz, tome III, p. 66 et suivantes ; et Gourville, p. 226.