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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/531

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que celle de me faire voir encore à un homme à qui mon abord devait reprocher tant de perfidies, et je n’espérai point qu’il me fit de réparation d’une offense qui ne pouvait plus être réparée de sorte qu’il ne m’en demeurât beaucoup de ressentiment. Je me trompai moins en cela que je n’avais fait en la confusion dont je m’imaginais que mon visage couvrirait le sien à notre entrevue ; car il ne me parut jamais moins embarrassé, et il me reçut comme si j’avais eu tous les remerciements du monde à lui faire, et que, par un excès de générosité ou de modestie, il ne m’en eût pas voulu donner le loisir. Ce fut un débordement de caresses et de civilités : une cajolerie n’attendait pas l’autre, et tout préparé que j’étais à n’en recevoir que des déplaisirs, je doutai s’il ne me voulait point disposer par là à me contenter de ce qui lui restait à faire pour moi, et à croire que pour être en effet le dernier obligé, je ne laissais pas d’avoir été le premier dans l’intention. Mais, voyant que pas un de ses discours n’aboutissait là, je connus bien qu’il ne tendait qu’à faire passer en de vaines démonstrations de tendresse un entretien qu’il éviterait, après cela, des semaines entières sans qu’il y parût, et qu’il croyait que, cette occasion étant une fois passée, je penserais moi-même n’avoir plus de grâce à me plaindre de ce qu’une longue dissimulation semblait déjà avoir approuvé. Cela me fit résoudre à le faire déclarer en quelque façon et à quelque prix que ce fût, et m’imaginant bien que sa confusion me divertirait mieux que sa colère, j’aimai mieux le réduire par mes paroles à demeurer d’accord qu’il ne lui en restait point, que de lui donner un prétexte de me tourner brusquement le dos et faire croire qu’il n’aurait manqué à me répondre