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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/535

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je repartis qu’on pouvait au moins me donner des assignations, et me contenter sur des choses d’une autre nature, elle me répliqua, d’un ton décisif, que ce n’était pas le temps de parler d’affaires. Ainsi je reconnus véritablement de quelle façon le Cardinal me voulait servir, ou, pour mieux dire, je tirai de sa mauvaise volonté et de sa mauvaise foi toutes les convictions que j’avais jugées nécessaires pour le contraindre d’approuver lui-même le ressentiment que je devais avoir de l’une et de l’autre. Cependant il se trouve qu’il parle de moi comme s’il m’avait tiré de dessus l’échafaud pour me mettre dessus le trône, et que je ne me fusse souvenu de la grandeur et de la gloire où sa protection m’aurait élevé, que pour l’accabler des misères et des infamies dont cette même protection m’aurait garanti.

Si ce procédé-là est d’un homme d’honneur, ou d’un homme qui s’est trop bien trouvé de ne l’être pas pour en vouloir jamais faire profession, j’en laisse le jugement à celui qui aura pris la peine de voir ce discours. Je n’y ai rien oublié volontairement de toutes les offenses qui ont dû m’animer contre lui. S’il veut pourtant me faire souvenir de quelqu’une que j’aie omise, je lui promets de l’avouer de bonne foi, et je ne lui nierai pas même que je n’aie bien cru que celui qui aimait mieux découvrir sa propre vergogne que de manquer à me rendre ses mauvais offices, ne me les a pas épargnés quand il a eu lieu de m’en faire sans que j’eusse lieu de les lui imputer. Mais quel avantage peut-il prendre des injures que j’ai reçues de lui ? Quelle jurisprudence lui apprend qu’un crime se mette à couvert par un autre crime, et qu’un homme dût être absous d’un assassinat, s’il ne l’avait commis que devant des témoins à chacun desquels il pourrait prouver d’avoir fait d’autres violences ? Je sais bien que si l’outrage reçu